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Ce sont là des faits tout à fait extraordinaires dans les annales académiques. D’ordinaire les procès-verbaux restent impassibles en face des plus graves événemens. Le lendemain de la prise de la Bastille, le mercredi 15 juillet 1789, l’académie tient séance comme à l’ordinaire; aucune trace de ce qui s’est passé la vieille; vingt-trois membres sont présens : Tillet et Broussenet rendent compte d’une machine pour enlever la carie du blé ; un auteur étranger propose un procédé pour conserver l’eau douce à la mer; Charles enfin lit un travail sur la graduation des aréomètres. A la séance suivante, trois jours après, Laplace présente un grand travail sur l’obliquité de l’écliptique.

Il semble que l’académie, un peu émue d’abord au premier souffle de la révolution, ait vite repris possession d’elle-même, et se soit imposé de nouveaux efforts pour se maintenir strictement sur le terrain de la science. Plusieurs mois seulement après la nuit du à août, dans les derniers jours de 1789, le duc de La Rochefoucauld vient proposer d’abolir toute distinction entre les académiciens. L’académie n’accepte qu’avec tiédeur cette motion égalitaire, elle nomme des commissions, elle élabore des projets, elle traîne l’affaire en longueur. Pendant ce temps, les séances ne laissent pas d’être remplies par des communications du plus haut intérêt : Legendre fait connaître les recherches sur les fonctions elliptiques; Laplace apporte les premiers û:agmens de sa Mécanique céleste; Lavoisier, aidé de Berthollet et de Fourcroy, achève sa victoire sur les anciennes écoles chimiques. Le contraste est complet entre les agitations de la place publique et les paisibles discussions de la savante assemblée.

Cependant les événement se précipitent. L’académie, malgré le soin qu’elle met à se tenir à l’écart, est entraînée à des communications fréquentes avec l’assemblée nationale, puis avec la convention. Chargée de préparer les élémens de la réforme générale des poids et mesures, elle nomme aussitôt cinq commissions pour ce grand objet; Cassini, Méchain et Legendre s’occupent des mesures astronomiques; Meusnier et Monge sont chargés de mesurer les bases terrestres avec une rigoureuse précision ; Borda et Coulomb étudient La longueur du pendule qui bat la seconde; Lavoisier et Haüy déterminent le poids de l’eau distillée; Tillet, Brisson et Vandermonde enfin dressent l’inextricable réseau des mesures anciennes. Toutes ces commissions se mettent à l’œuvre, incessamment pressées par l’assemblée toute-puissante, qui s’étonne que ce qu’elle a décrété ne soit pas aussitôt achevé de tout point. Sur beaucoup de questions secondaires, l’académie cherche à éluder les embarras qui résultent pour elle des consultations qu’on lui demande. Elle émet le désir de n’avoir plus à donner son avis sur les indemnités