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contiennent pas moins de dix mille rapports. Avec un budget des plus modestes, — 30,000 ou 40,000 livres tout au plus, dont la plus grande part constituait les pensions des membres, — elle trouve moyen de fonder des prix et de susciter ainsi sur une foule de problèmes des recherches intéressantes.

L’initiative privée lui vint en aide à cet égard, et il est juste d’appeler l’attention sur le nom de Rouillé de Meslay, qui donna le signal de pareilles libéralités. Rouillé de Meslay, conseiller au parlement, mort en 1715, légua à l’Académie des Sciences une rente de 4,000 livres, au principal de 100,000 livres, constituée à son profit par les prévôts des marchands et échevins de la ville de Paris, à condition que MM. de l’académie proposeraient tous les ans un prix de la moitié de ladite somme pour être donné à qui aurait le mieux réussi « par raison et non par éloquence, » en quelque langue et style que ce fut, dans une dissertation « touchant ce qui contient, soutient et fait mouvoir en ordre les planètes et autres substances contenues dans l’univers, le fond premier et principal de leurs productions et formations, le principe de la lumière et du mouvement. » L’autre moitié de la somme devait être affectée «aux rétributions ou épices de MM. les juges » et aux frais de publication. Rouillé de Meslay donnait encore à l’académie, dans les mêmes conditions, une rente de 1,000 livres pour la fondation d’un prix destiné à récompenser chaque année « celui qui aurait le mieux réussi en une méthode courte et facile pour prendre plus exactement les hauteurs et degrés de longitude en mer et en des découvertes utiles à la navigation et grands voyages. » Il voulait ainsi contribuer après sa mort à la solution de ces problèmes dont il s’était occupé de son vivant, et pour lesquels il avait proposé des solutions quelquefois bien bizarres. En ce qui concerne les longitudes par exemple, il avait espéré qu’un coq né sous un certain méridien et habitué à chanter à un certain moment dans le lieu de sa naissance continuerait à chanter aux mêmes intervalles, si on le transportait en d’autres lieux; un coq de Lisbonne, habitué à chanter chez lui à minuit, chanterait ainsi à une heure à Paris. Cet animal devait donc servir de chronomètre pour estimer entre deux stations la différence des heures, c’est-à-dire des longitudes. De pareilles singularités furent invoquées comme des preuves d’insanité d’esprit par le fils de Rouillé de Meslay, qui, mécontent de voir son héritage entamé, attaqua le testament paternel; mais l’académie obtint gain de cause, et à partir de 1721 elle commença la distribution des prix en se conformant autant que possible aux volontés du testateur. Le problème de la cause première du mouvement des planètes disparut bientôt de ses programmes; mais celui des longitudes resta à l’ordre du jour pendant plus de cinquante ans. D’autres prix vinrent s’y joindre, et l’on