Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 84.djvu/168

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jourd’hui à compléter le réseau de ses chemins de fer d’intérêt local. On n’est pas d’accord en effet sur la manière d’exécuter ces nouvelles lignes. Quelques ingénieurs pensent que, bien que destinées seulement à satisfaire aux besoins de localités circonscrites, elles doivent cependant être construites avec soin, avoir la même largeur de voie que les chemins ordinaires, afin que le matériel roulant puisse y être employé sans transbordement, être établies aussi de façon à ce qu’elles puissent servir à un trafic beaucoup plus considérable que celui qu’on prévoit. Ils consentent à une diminution de vitesse qui permettrait, comme sur les chemins de la Suisse, de franchir des rampes assez fortes; mais ils veulent une voie spéciale, et n’évaluent pas le prix du kilomètre à moins de 80,000 ou 100,000 fr., c’est-à-dire au quart de ce qu’ont coûté les grandes lignes. D’autres ingénieurs non moins autorisés croient que, pour les chemins de fer de cette nature, il faut avant tout viser à l’économie, afin de diminuer les frais de premier établissement, et ils proposent, pour éviter les travaux d’art, d’établir autant que possible la voie ferrée sur les routes de terre déjà existantes, lors même que celles-ci présenteraient de fortes rampes et des courbes prononcées. Ils pensent que l’inconvénient des transbordemens n’est pas aussi grand qu’on le dit, et qu’il vaut mieux le subir que d’accepter les charges d’un matériel trop dispendieux. Les frais d’exploitation de ces lignes d’intérêt local s’élèvent à 8,000 ou 10,000 francs par kilomètre, tandis que les recettes sont souvent bien inférieures; il est donc important de ne pas engager dans la construction un capital trop considérable[1].

Les chemins de fer dits américains, qui sont traînés par des chevaux, et le chemin Fell répondent à ces conditions, et pourraient

  1. Dans son ouvrage De l’Exploitation des Chemins de fer, M. Jacmin, directeur de l’exploitation de la compagnie de l’Est donne les chiffres kilométriques suivans pour les chemins de l’Alsace et des Vosges en 1866, en tenant compte des annuités relatives à la voie et au matériel roulant : ¬¬¬
    Recettes Dépenses
    Strasbourg à Wasselonne 8,333 fr. 40 cent. 9,068 fr. 81 cent.
    Schélestadt à Sainte-Marie-aux-Mines 6,236 25 7,351 78
    Haguenau à Niederbronn 7,317 81 8,369 33
    Lunéville à Saint-Dié 11,838 10 9,113 75
    Épinal à Remiremont 8,401 23 8,093 89
    Avricourt à Dieuze 7,181 30 7,273 92


    Il pense que des compagnies locales tireraient de ces lignes un bien meilleur parti que celle de l’Est, d’abord parce que le public se montrerait pour elles beaucoup moins exigeant, ensuite parce qu’elles n’auraient pas à supporter les charges élevées qui sont imposées aux grandes compagnies, telles que le transport gratuit des postes, des gendarmes, des troupes.