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en présence : celui du Simplon, celui du Saint-Gothard, celui du Splügen et celui de Lucmanier. Nous n’avons pas à entrer dans la discussion qu’ils soulèvent, et qui passionne très vivement toutes les localités intéressées.

En Suisse, le gouvernement fédéral ne subventionne aucune ligne de chemin de fer, car il serait alors forcé de les subventionner toutes : il laisse ce soin aux cantons traversés, dont l’intérêt est immédiat ; mais, si riches que soient ces cantons, ils ne peuvent prendre à leur charge une dépense comme celle qu’entraînera le percement des Alpes, il faut donc qu’ils comptent sur le concours des autres nations intéressées, l’Allemagne et l’Italie, dont les sympathies sont, dit-on, acquises au projet du Saint-Gothard[1]. Le tunnel à percer n’aurait pas moins de 16 kilomètres, et l’on ne pourrait guère espérer l’avoir terminé avant une dizaine d’années. Jusque-là rien n’empêcherait que, sur ce point comme sur d’autres, on n’eût recours au chemin Fell pour réunir les lignes suisses aux lignes italiennes.

Lorsqu’il s’agit de franchir les montagnes, on se trouve en effet en présence de trois systèmes différens : l’un les perce par de longs tunnels, le second consiste à traverser les cols au moyen de rampes très fortes et de courbes très prononcées, enfin le troisième, participant des deux autres, fait usage de rampes moins fortes et de courbes d’un plus grand rayon que ce dernier, mais nécessite par contre l’ouverture d’un certain nombre de tunnels. D’après les études qui ont été faites, ce dernier système, guère moins dispendieux que le premier, est d’une exploitation aussi difficile que le second, et présente les inconvéniens des deux autres sans en avoir les avantages; il paraît donc, en ce qui concerne la traversée des Alpes, devoir être écarté.

Le système des longs tunnels exige que la voie soit construite avec le plus grand soin, et permet par conséquent que l’exploitation des lignes soit faite avec économie, régularité et célérité; mais il est très cher, et retarde pendant de longues années la mise en activité du chemin. Quels que soient les progrès qu’on puisse atteindre dans l’art de percer les montagnes, il est douteux qu’on dépasse jamais beaucoup la rapidité des travaux du Mont-Cenis. Sans doute, s’il était possible d’ouvrir des puits verticaux et d’introduire des travail-

  1. Cette prévision vient de se réaliser; le protocole de la conférence internationale instituée pour cet objet a été signé le 13 octobre 1869. D’après les conventions, une subvention de 85 millions serait accordée à la compagnie concessionnaire de la voie de Lucerne à Bellinzona, et qui serait chargée de tous les travaux de construction. Dans ce chiffre, l’Italie figure pour 45 millions, la Suisse pour 20, les états allemands pour le surplus. Le point le plus élevé serait à 1,162 mètres, et les pentes les plus fortes de 25 millimètres; la surveillance de la ligne est confiée au conseil fédéral.