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lisation spéciale et de branchemens particuliers, chez les industriels, qui pourraient l’utiliser comme force motrice. L’ouverture d’un robinet suffirait pour mettre la machine en marche, et un compteur semblable à celui du gaz ferait connaître la force dépensée. Avec cet agent, il n’est plus nécessaire, comme pour la vapeur, d’avoir un local séparé pour la chaudière, la machine et le charbon ; on n’a plus ni fumée, ni chaleur, ni crainte d’incendies; il ne faut plus d’eau pour alimenter les générateurs, et l’on est à l’abri des coups de feu et des explosions. L’air comprimé, loin d’être une cause d’insalubrité, assainit les ateliers, et ne se paie que quand on le consomme. D’après les calculs faits par M. Sommeiller, une usine établie à Paris pour comprimer l’air et le distribuer dans un quartier coûterait, pour une force de 2,000 chevaux effectifs, environ 17 millions; mais elle pourrait donner un bénéfice de plus de 3 millions, car le prix de revient du mètre cube d’air comprimé à 6 atmosphères serait de 0 fr. 046 mill. et pourrait être vendu 0 fr. 16 cent. Il y a évidemment là matière à une entreprise à la fois fructueuse pour ceux qui l’entreprendront et extrêmement utile pour la petite industrie. Si ces prévisions se réalisaient, le percement du Mont-Cenis n’aurait pas seulement été par lui-même une œuvre d’une immense portée civilisatrice, il serait encore indirectement devenu l’occasion d’un progrès industriel des plus importans.


IV.

Ainsi que nous l’avons dit en commençant, l’Italie est séparée du reste de l’Europe par une barrière de montagnes qui, jusqu’au commencement de ce siècle, était pour elle un obstacle absolu à des relations commerciales avec les pays voisins. Les routes qui depuis cette époque ont été ouvertes à travers la chaîne des Alpes sont aujourd’hui insuffisantes, et quand des voies ferrées unissent un bout de l’Europe à l’autre et fusionnent tous les peuples, l’Italie seule ne peut rester en dehors du mouvement général. Deux chemins de fer déjà la relient à l’Allemagne méridionale, celui du Sommering, entre Vienne et Trieste, qui fut construit par l’Autriche dans un intérêt stratégique, et celui du Brenner, qui va de Munich à Vérone en traversant le Tyrol. Le chemin du Mont-Cenis et celui de la Corniche, qui suit le littoral de Marseille à Gênes, répondront à tous les besoins du côté de la France; mais la Suisse et l’Allemagne du nord restent jusqu’ici sans communication directe par voies ferrées avec l’Italie. Il est probable que cette lacune ne tardera point à être comblée, car dès aujourd’hui quatre projets de percement sont