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environ 2 millions[1]. Si aux intérêts de ce capital on ajoute les frais d’exploitation et l’entretien de la voie, il est permis de douter que la compagnie fasse de grands bénéfices. Les recettes sont très variables, et les profits que lui procurent les mois les plus favorables sont bien atténués par les pertes qu’elle doit éprouver pendant les mois d’hiver, car, bénéfices ou non, elle est tenue de faire circuler ses trains. Quoi qu’il en soit de cette entreprise en particulier au point de vue des résultats financiers, on peut dire que le problème de l’ascension des montagnes est résolu. Si le chemin Fell, construit dans des conditions aussi défavorables sous le rapport de la durée de la concession comme sous celui de la topographie du terrain, a pu triompher des obstacles qui s’opposaient au succès, on ne peut douter que ce système, appliqué d’une manière permanente et sur des montagnes d’un accès plus facile, ne puisse être très avantageux.

La chaîne des Vosges, par exemple, qui sépare la vallée du Rhin du reste de la France, n’est traversée que par deux chemins de fer, celui de Strasbourg et celui de Mulhouse, qui aboutissent aux deux extrémités de l’Alsace, et qui obligent les habitans des localités intermédiaires à faire un long circuit pour joindre ces deux lignes. De petits chemins de fer s’enfoncent, il est vrai, dans les vallées de Mutzig, de Sainte-Marie-aux-Mines, de Munster et de Wesserling, et les relient à l’artère principale de Strasbourg à Bâle; mais ces lignes s’arrêtent au pied des montagnes, et ne peuvent joindre les voies ferrées qui, sur le versant opposé, sont arrêtées par le même obstacle. On ne peut songer à opérer cette jonction au moyen de tunnels qui seraient trop dispendieux pour les résultats à obtenir; mais rien n’empêche d’installer, sur les magnifiques routes qui traversent la chaîne, un chemin Fell qui éviterait aux marchandises et aux voyageurs le long circuit de Strasbourg ou de Mulhouse. Le chemin du Mont-Cenis a coûté 400,000 livres sterling ou 10 millions pour 79 kilomètres, soit environ 126,000 francs par kilomètre. Dans les Vosges, où les terrains sont plus consistans, où l’on n’a ni éboulemens, ni avalanches à craindre, où l’on n’aurait à construire ni tunnels, ni galeries, ni ponts, on pourrait peut-être établir une voie ferrée à moitié prix en utilisant les routes actuelles, et par conséquent avec une somme de 2 ou 3 millions compléter les 25 ou 30 kilomètres qui séparent les tronçons des chemins de fer aujourd’hui coupés par la chaîne des Vosges. Ce que nous disons des Vosges est évidemment applicable à bien d’autres montagnes. Grâce au système Fell, il sera possible de créer des chemins d’in-

  1. Il y a douze machines dont chacune coûte 50,000 francs, plus les wagons, les ateliers, etc.