Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 84.djvu/1042

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus de 25 milliards. » Heureusement ces supputations, comme toutes celles de la statistique, ne peuvent pas avoir une valeur absolue, et il faudrait faire entrer en ligne de compte des causes de destruction sans doute multiples.

Comme le plus grand nombre des insectes, le puceron de la vigne traverse-t-il l’hiver à l’état d’œuf ? D’après M. Planchon, voici ce qui se passe. Vers le milieu de novembre, on commence à ne plus trouver d’œufs (ils sont éclos avant les froids), ni de mères adultes (elles sont épuisées et semblent avoir complètement disparu). Il ne reste alors que des jeunes, réfugiés sur les racines, dans les fissures de l’écorce ; ils sont d’un jaune terne, faibles, engourdis, immobiles. Ils ne se meuvent et ne grossissent qu’au mois de février, sous l’influence d’une température plus douce. C’est alors qu’ils cherchent le point où ils vont s’établir pour passer à l’état de mères pondeuses. Sous cette forme définitive, ils mesurent en longueur trois quarts de millimètre et un demi-millimètre en largeur. La ponte est facile et intéressante à observer ; on distingue clairement la phase critique à une élongation de l’abdomen, et l’on peut suivre la sortie de l’œuf, qui se colle aussitôt sur le plan de position auprès des autres œufs pondus. La faculté de locomotion des phylloxéra parvenus à cette époque de leur vie ne s’exerce plus qu’à très courte distance, sauf chez quelques individus, d’un jaune orangé beaucoup plus vif, qui sont à la fois plus rebondis et plus agiles, mais dont M. Planchon ne peut s’expliquer, — comment dirons-nous ? — la mission. Ce ne sont probablement pas des femelles, car on n’a observé chez eux ni la formation de l’œuf ni les phénomènes de la ponte. Ce ne sont pas non plus des mâles, car les organes caractéristiques leur font absolument défaut, et d’ailleurs on n’a jamais pu saisir aucun indice d’accouplement chez les phylloxéra. Il y a donc là une de ces énigmes auxquelles les entomologistes ne sont que trop accoutumés.

Également, sur les femelles ailées dont nous avons parlé tout à l’heure, l’observation n’a pu apprendre que peu de chose. On se contente de décrire leur forme, et l’on ne sait presque rien de leurs mœurs. Remarquons toutefois que, si le petit nombre de nervures de leurs ailes exclut l’idée d’un vol puissant, elles doivent encore, aidées et même transportées par le vent, faire d’assez lointains voyages. « Cette influence presque inévitable du vent sur la dispersion des phylloxéra ailés mérite d’être soigneusement étudiée, dit M. Planchon, parce qu’elle peut rendre compte de la marche de l’invasion des vignobles dans telle direction donnée. » En effet, c’est par ce transport des mères ailées que s’expliquerait le mieux la contagion à distance ; il faut remarquer cependant que cette conjecture n’a pas pu jusqu’ici être confirmée par des témoignages certains.

On le voit, bien des lacunes restent à remplir dans l’histoire des mœurs de ces insectes ; ce qu’on pourrait nommer leur vie intime est toujours à décrire. Malheureusement il n’en est pas de même des signes extérieurs de leur passage qui sont trop bien connus des vignerons. Arrachez quelque cep malade, vous en verrez les racines couvertes de