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17 juillet 1868, ils arrivaient à Saint-Remy, dans les Bouches-du-Rhône, après s’être livrés ailleurs à des investigations sans résultat. Sur les racines d’une souche malade, M. Planchon remarqua certaines traînées jaunâtres, qui jusque-là s’étaient dérobées aux yeux, et dans lesquelles un examen plus attentif fit voir clairement des agglomérations de petits animaux appartenant au groupe des aphidiens. C’était l’insecte dont on a tant parlé depuis un an, qu’on nomme vulgairement le puceron de la vigne, et que M. Planchon a baptisé du nom respectable de phylloxéra vastatrix. Avait-on rencontré la vraie cause du fléau ? Tenait-on enfin le véritable auteur de tant de désastres ? On n’osait l’affirmer encore ; mais ce qui fut bientôt certainement constaté, c’est que le phylloxéra était présent partout où paraissait la maladie, et que par contre on ne le découvrait nulle part ailleurs que sur les ceps malades. Les observateurs avaient dès lors un point de départ pour leurs recherches. Au bout de peu de temps, ils en imprimèrent à l’envi les résultats.

Le rapport que M. Vialla vient de publier au nom de la commission de la Société des agriculteurs de France ne laisse plus subsister aucun doute ; c’est bien le phylloxéra qui est le coupable, les membres de la commission le déclarent à l’unanimité. Il est reconnu que la nature du sol, la qualité des terrains, n’ont pas d’influence sur le développement de la maladie, mais peut-être faut-il attribuer une certaine action à la température. En 1868, le midi venait de traverser un hiver très froid, précédé et suivi d’une sécheresse peu ordinaire ; le Rhône avait charrié, et il n’avait pas plu depuis dix-huit mois. Que ces intempéries aient affaibli la vigne, qu’elles lui aient ôté la force de résister aux épreuves, nul ne le conteste ; mais ce n’est pas la première fois que de telles circonstances météorologiques se sont présentées, et elles ne suffisent pas à expliquer à elles seules la nature et les caractères d’une maladie dont les premiers symptômes ont été du reste reconnus bien avant cet hiver de 1868-1869. Un propriétaire d’Arles, M. Delorme, les signalait au mois de novembre 1867 dans la Revue agricole et forestière de Provence, et il en faisait remonter l’apparition dans la Crau à 1866. C’est en 1866 également que les premiers indices ont été observés dans la Gironde. Enfin les recherches de M. Vialla lui ont appris que les environs d’Orange ont été attaqués dès 1865, peut-être même dès 1864. M. Henri Mares exprimait au dernier congrès de Lyon, au mois d’avril, une opinion à laquelle plusieurs personnes se sont rangées, à savoir que le puceron doit avoir vécu depuis plusieurs années sur les racines et s’y être multiplié, mais que, si le mal a pris tout à coup ces proportions effrayantes, ç’a été l’effet d’une propagation extraordinaire du phylloxéra favorisée par la température[1]. Cette explication semble plausible, bien qu’on ne puisse pas affirmer qu’elle soit de tout point exacte. Ce qui n’est plus en discussion, c’est que l’action directe du puceron, de quelque part qu’il vienne, est la cause réelle du désastre qui, pendant les deux derniers étés, n’a fait que grandir.

  1. Voyez Comptes-rendus des travaux du congrès de Lyon, p. 137 ; 1 vol. in-8o ; 1869.