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s’interpose. C’est lui qui a donné le cheval blanc à la danseuse. Il court donc au cercle, où il montre à tout le monde la facture du marchand de chevaux, et de là aux bureaux du Moustique, qui promet d’insérer le lendemain une rectification. Réhabilité par le Moustique, Charaplion pourra épouser Mlle de Birague. Et d’Estrigaud ? et Sainte-Agathe ? Ils s’en vont, l’un emmenant l’autre, car d’Estrigaud vient publiquement demander pardon à Champlion et annoncer que, converti par Sainte-Agathe, il va entrer à la maison-mère d’Uzès. « Quand le diable devient vieux, il se fait jésuite, » dit Valtravers, et la toile tombe. Le coup de grâce est porté à la société de Jésus ; elle ne s’en relèvera pas.

Cette analyse fidèle me dispense, je crois, de porter sur Lions et Renards un jugement raisonné. Il est des pièces qui déroutent la critique par l’excès même de leurs inconséquences. L’œuvre nouvelle de M. Augier est de celles-là. Je me borne donc à en raconter les péripéties, et je remets au vrai public le soin de décider entre ceux qui applaudissent de parti-pris et ceux qui jugent de sang-froid. Ma tâche ne serait cependant qu’à moitié remplie, si je ne rendais ici justice au dévoûment des artistes qui portent sur leurs épaules le lourd fardeau de ces invraisemblances. Jamais une soirée passée à la Comédie-Française n’est complètement perdue. Jamais on ne sort de cette vieille salle, où les générations qui nous ont précédés éprouvèrent leurs plus vives impressions théâtrales, sans avoir goûté soi-même quelqu’une de ces jouissances d’artiste que fait connaître aux délicats la correction parfaite du jeu, relevée par le naturel. Le jour où les auteurs auraient perdu le secret d’allier dans leurs pièces la distinction à la vérité, ce serait aux sociétaires du Théâtre-Français qu’ils devraient en aller demander la tradition. M. Augier me permettra-t-il de lui donner ici un humble conseil ? Il a fait représenter l’année dernière un petit acte charmant, un dialogue étincelant de verve et d’esprit, qu’on appelait le Post-Scriptum. Voilà le genre où il excelle. Qu’il n’essaie pas désormais de s’élever au-dessus de la peinture de mœurs, qu’il renonce surtout à la comédie sociale et politique, et que les lauriers de Beaumarchais ne l’empêchent plus de dormir. Jamais on n’écrira une histoire du règne de Louis XVI sans parler du Mariage de Figaro ; mais on écrira l’histoire du règne de Napoléon III sans parler de Lions et Renards.


G. DE SAFFRES.



REVUE LITTÉRAIRE.
NOS FILS, par M. MICHELET[1].


Qui a lu la Femme, l’Amour, connaît, ou peu s’en faut, la première partie de Nos Fils. On retrouve là les thèses aimées de M. Michelet et ces développemens presque romanesques parmi lesquels la plume du

  1. Librairie Internationale.