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dom Fernando de Portugal avait cet avantage. Dès que le roi dom Fernando refusait, les partis divers revenaient à leurs préférences ou à leurs répugnances. En réalité, ce n’est qu’au mois de septembre que quelques-uns des ministres de Madrid, inspirés sans doute par le général Prim, qui était à ce moment en France, mettaient en avant la candidature du duc de Gênes, et ils avaient même l’idée d’un mariage du jeune prince italien avec une fille du duc de Montpensier. Cette idée ne fut point accueillie à San-Lucar de Barrameda, où on avait envoyé un négociateur. Sur ces entrefaites éclatait l’insurrection républicaine, le pays se montrait impatient d’en finir avec le provisoire, et c’est alors que, dans des réunions de députés qui se succédaient, le général Prim, rentré à Madrid, se faisait lui-même le patron officiel du duc de Gênes.

Le général Prim, à la vérité, avait une singulière façon d’appuyer le jeune prince. Il avouait qu’à ses yeux la candidature du duc de Montpensier serait sans doute la meilleure, mais que devant la répugnance de certains progressistes il se rangeait à celle du duc de Gênes, qui était la pire de toutes. Il tranchait la question en prétendant que la moustache poussait au jeune prince, qui savait déjà monter à cheval. Les unionistes résistaient résolument à cette tentative, l’amiral Topete quittait le ministère après avoir énergiquement manifesté son opinion, d’accord avec M. Rios Rosas et M. Posada Herrera. Dès lors la scission était accomplie ; la candidature du duc de Gênes, demeurée une affaire de parti, se trouvait abandonnée par la fraction la plus monarchique de l’Espagne, C’est à l’Italie de voir maintenant si elle peut accepter pour un de ses princes une couronne décernée par une assemblée déjà fort affaiblie, enlace d’un parti libéral et conservateur dissident, en présence d’un pays qui reste plus que froid aux appels du général Prim.

La mort passe comme un grand souffle à travers ce monde affairé des vivans. Elle vient d’ajouter un deuil de plus à tous les deuils d’une famille accoutumée aux épreuves, et qui dans son exil n’a point cessé d’être française. Mme la duchesse d’Aumale s’est éteinte jeune encore, entourée des siens, ayant auprès d’elle le duc d’Aumale et son plus jeune fils, cherchant de son dernier regard ceux de ses enfans qu’elle avait perdus. C’était là la blessure secrète pour cette personne d’élite, honnête et intelligente compagne d’un prince qui, avec tous les dons du soldat et de l’écrivain, a su garder le patriotisme et la dignité dans le malheur. La duchesse d’Aumale a passé vingt ans en exil, elle avait vécu quatre ans à peine en France, elle s’était fait aimer et honorer. C’était le temps des prospérités, et certes un exemple curieux vient prouver que ces prospérités n’étaient pas mauvaises conseillères. C’est au plus beau moment de sa vie, avant de partir pour l’Afrique, que le duc d’Orléans écrivait de Toulon le testament qu’on vient de publier de nouveau en le rapprochant du testament de Louis XVI et du testament de Napoléon. Ces deux derniers ont été écrits sous le coup des