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reculée des groupes de tribus sémitiques émigrèrent de la Mésopotamie dans la direction du sud-ouest, et entrèrent en rapports, tantôt pacifiques, tantôt hostiles, avec les populations cananéennes plus civilisées qu’ils rencontrèrent sur leur route. Les Hammonites, les Moabites, les Édomites, s’établirent les premiers dans les régions qui plus tard portèrent leurs noms, c’est-à-dire à l’est et au sud de la Mer-Morte. Un groupe suivant de près les Édomites, mais pour s’en détacher bientôt, ne parvint pas aussi vite à s’assurer une demeure fixe, et continua de mener une vie nomade au milieu des Cananéens, avec lesquels il semble avoir vécu en assez bons termes. Plus tard, renforcé par un nouvel essaim d’émigrans parti du pays d’origine (retour de Jacob en Canaan), ce groupe fut poussé, probablement par la disette, vers le nord-est de l’Égypte, sur la terre de Gosen, où il s’établit. Peut-être une des tribus dont il se composait l’avait-elle déjà précédé sur ce sol propice à l’élève du bétail, après avoir*passé par des alternatives de servitude et de prospérité, et tel serait le germe historique de la ravissante légende de Joseph.

C’est en Égypte que notre connaissance d’Israël commence à émerger de l’océan des hypothèses. Les Égyptiens donnaient le nom générique d’Hébreux, c’est-à-dire d’hommes de l’autre bord (de l’Euphrate ou de la Mer-Rouge ?), aux nombreux Sémites qui avaient pénétré sur leur territoire. Parmi les Hébreux, on distinguait les Beni-Israël, qui doivent avoir exercé une certaine suprématie sur le territoire occupé par eux. Plusieurs indices disséminés dans l’Ancien-Testament nous apprennent que les enfans d’Israël étaient alors polythéistes, et tout concourt à démontrer que leur polythéisme ne différait par rien d’essentiel de cette religion sémitique dont nous avons retracé les principes. Chez eux comme chez tous les anciens peuples, il devait y avoir de grandes diversités religieuses sur un fonds commun de mythes et de coutumes en rapport avec ces mythes. Chaque tribu, sans doute avait son dieu spécial. Cependant, s’ils avaient quelque conscience de leur unité nationale, ils devaient aussi avoir un dieu national, et le nom de ce dieu ne peut avoir différé de celui que la tradition biblique donne au dieu des patriarches, El-Schaddaï, le Fort très puissant, nom tout à fait sémitique et en harmonie avec le sens belliqueux du nom d’Israël, qui veut dire le Fort combat. Vers la fin du XIVe siècle avant notre ère, les enfans d’Israël furent opprimés par Ramsès II et son successeur Menephtha, ce qui eut pour conséquence leur fuite loin du pays de servitude. Il est heureux que nous ayons aussi la version égyptienne de ce départ des Israélites. D’après Manéthon, ils auraient été chassés comme impurs ; d’après la Bible, ils seraient partis en dépit des efforts des Égyptiens pour les retenir. Il peut y avoir