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tait avec certains géologues que les périodes de repos d’un volcan sont proportionnelles à l’énergie des manifestations qui les ont précédées, il faudrait faire remonter bien plus loin la date de l’événement qui nous occupe. Toutefois cette proposition semble si souvent démentie par les faits observés que la généralité en est fort discutable.

Les données historiques fournissent des renseignemens plus positifs. Elles nous permettent d’abord d’affirmer avec certitude que la formation de la baie est antérieure au XVe siècle avant notre ère. On sait que c’est à cette époque que les îles de l’archipel grec furent envahies par les Phéniciens. Ces peuples occupèrent Therasia et Santorin, comme le témoignent les nombreux monumens qu’ils y ont élevés, et dont on retrouve des ruines nombreuses. Or tous ces monumens ont été édifiés à la surface du tuf ponceux. La formation du tuf a donc précédé l’invasion phénicienne, et par conséquent elle est antérieure au XVe siècle avant l’ère chrétienne ; mais la date de cette catastrophe doit encore être plus reculée, car entre le moment de l’effondrement de la grande île et l’occupation par les Phéniciens il y avait eu dans ces mêmes lieux une colonisation entièrement différente de celle qu’ils y apportèrent. Il existe une foule de dissemblances entre leur civilisation et celle de la population qui la première est venue occuper Santorin et Therasia après la formation de la baie. Les Phéniciens connaissaient le bronze et en faisaient grand usage, tandis que les nouveaux colons de Santorin étaient encore en plein âge de la pierre. Les vases en terre cuite des deux peuples ne se ressemblaient ni par la forme, ni par l’ornementation, ni par le gisement. En un mot, après que ces îles ont eu pris la configuration qu’elles possèdent encore à peu près aujourd’hui, elles ont été habitées par une population riche, industrieuse, agricole, munie d’armes et d’instrumens exclusivement en pierre, essentiellement distincte aussi de la nation phénicienne.

L’établissement de ces colons, le degré de prospérité qu’ils paraissent avoir atteint, montrent qu’ils ont occupé l’archipel de Santorin et y ont vécu en paix pendant un laps de temps considérable, et cela non-seulement avant l’invasion phénicienne, mais encore avant que le bronze fût connu chez les peuples des rivages de la Méditerranée, avec lesquels ils étaient en relations suivies. De plus l’anéantissement de cette antique civilisation, qui n’était pas propre aux colons de Santorin, mais qui devait être répandue au moins dans une grande partie de l’archipel, n’a probablement pas été l’œuvre des Phéniciens, peuple plutôt commerçant et navigateur que guerrier. Il est donc probable qu’entre le moment où ceux-ci occupaient Santorin et l’époque où l’île avait été repeuplée par les