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genre ne possèdent aucune valeur. Cependant, comme ici nous touchons à l’histoire proprement dite, nous devons chercher à préciser la solution du problème plus que ne le font d’ordinaire les géologues.

La formation de la partie volcanique de la grande île n’a guère commencé qu’à la fin du dépôt de l’un des étages du terrain tertiaire, l’étage pliocène. On a une donnée pour évaluer le temps pendant lequel elle s’est accrue, c’est l’inspection des puissantes assises de lave dont on voit la coupe le long des falaises de Santorin. Cette période a dû embrasser toute la durée des âges quaternaires. On arrive donc à penser que l’effondrement, dans la manière de compter le temps usitée parmi les géologues, est un phénomène moderne ; mais la période dite moderne correspond encore à des milliers d’années : est-ce au commencement, est-ce vers le milieu de cette longue série de siècles que se place la catastrophe de Santorin ? On peut répondre hardiment qu’elle a dû survenir à une époque relativement récente : c’est ce que démontre surabondamment le haut degré de civilisation auquel était parvenue la population qui a été détruite par le volcan. Que l’on ne se méprenne pas cependant sur cette expression de « récente » ; nous l’employons ici dans le sens géologique. Si l’on veut essayer de pousser la précision plus loin, et de fixer même approximativement combien de milliers d’années se sont écoulés entre le moment de la grande éruption ponceuse de Santorin et l’établissement de l’ère chrétienne, alors on n’arrive plus qu’à des données bien vagues, et qui laissent un large champ aux hypothèses.

Les premières considérations ont pour base l’observation des phénomènes géologiques qui ont eu lieu à Santorin à la suite de l’effondrement. Après cette violente catastrophe, il y a eu pour ainsi dire une période d’assoupissement des forces souterraines. C’est seulement 196 ans avant Jésus-Christ qu’une éruption nouvelle a produit au centre de la baie l’îlot nommé Palæa Kameni. Des éruptions fréquentes s’y sont produites plus tard pendant les premiers siècles de l’ère chrétienne, et n’ont guère fait qu’agrandir cet îlot. Le moyen âge présente une nouvelle période de calme relatif ; puis les éruptions recommencent au XVe siècle, et depuis lors, à intervalles plus ou moins rapprochés, elles engendrent des récifs en dedans ou au dehors de la baie. La seconde période de calme ayant eu une durée de dix siècles environ, on peut sans témérité attribuer à la première une durée au moins double de celle-ci, surtout quand on compare l’intensité si différente des phénomènes volcaniques auxquels elle a succédé. D’après cette considération, la formation de la baie remonterait au moins à deux mille ans avant Jésus-Christ. Si l’on admet-