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présentée aujourd’hui par les trois îles de Santorin, de Therasia et d’Aspronisi. Encore cette ceinture a-t-elle été, dès le moment de la formation, entaillée du côté septentrional par une profonde découpure au travers de laquelle l’eau de la mer se précipita pour remplir l’abîme qui venait de se creuser. Au lieu d’une montagne d’au moins 1,000 mètres d’élévation, on a donc eu une baie entourée de rochers à pic et possédant partout une énorme profondeur. Dans la partie centrale de cette baie, le fond de la mer est à plus de 400 mètres au-dessous du niveau de l’eau, et près des rivages la profondeur est encore tellement considérable que l’on n’y peut jeter l’ancre. Les navires qui veulent y stationner n’ont maintenant pour s’y fixer que la crête d’un cône volcanique sous-marin d’origine récente dont le sommet fort étroit se trouve à quelques brasses au-dessous de la surface de la mer.

Le terrible écroulement de la partie centrale de la grande île avait été immédiatement précédé de l’émission d’une quantité prodigieuse de pierres ponces de toute forme et de toute grosseur. L’île tout entière en avait été recouverte sur une grande épaisseur, car les parties périphériques, les seules qui subsistent encore, présentent souvent ce dépôt blanchâtre en couches de 20 et 30 mètres, malgré les dénudations considérables opérées postérieurement par l’action des pluies. Le Saint-Élie, bien que fort élevé au-dessus du niveau de la mer et éloigné de plusieurs kilomètres de la bouche du volcan, n’avait pas même été à l’abri de ces projections de pierres ponces, qu’on retrouve de nos jours jusque sur les points culminans de cette montagne.

Ce violent cataclysme, l’un des plus effrayans dont les annales de la géologie fassent mention, a eu lieu à une époque où l’homme habitait la grande île, comme le démontrent les constructions trouvées sous le tuf ponceux de Therasia et les divers produits de l’industrie humaine qui ont été découverts à Santorin, dans la zone de terre végétale sous-jacente au tuf. L’événement a été brusque, puisque la population qui en a été victime n’a pas eu le temps d’émigrer, et que rien ne semble avoir été emporté ni déplacé de l’intérieur des habitations. L’éruption des ponces a précédé l’effondrement du centre de l’île, car le tuf qui couvre les falaises de Santorin et de Therasia est coupé à pic comme les laves sous-jacentes, ce qui ne peut s’expliquer qu’en supposant qu’il a été entaillé par l’effondrement tout comme le reste ; mais il est très probable que ces deux faits, entre lesquels on ne trouve aucun autre événement géologique, se sont suivis à court intervalle. Il serait difficile, sinon impossible, de concevoir l’indépendance de deux phénomènes aussi considérables ayant eu leur siège au même point. Quant à l’érup-