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nous pouvons, en nous appuyant d’autre part sur les observations géologiques qui y ont été effectuées, recomposer le récit de l’événement terrible qui s’y est passé, et dont l’homme a été le témoin et la victime à une époque où il n’y avait pas encore d’histoire. Au commencement de la période que les géologues désignent sous le nom de période tertiaire, la Grèce, réunie à l’Afrique, paraît avoir fait partie d’un vaste continent marécageux qui s’étendait sur l’emplacement où roulent aujourd’hui les flots de la Méditerranée. Il était habité par ces grands mammifères dont les ossemens ont été trouvés en si grande quantité dans certains gisemens de l’Attique. Vers la fin de l’époque tertiaire, un mouvement considérable d’affaissement du sol a déterminé la séparation de l’Europe et de l’Afrique, et donné aux contours de la Méditerranée à peu près la configuration qu’ils présentent aujourd’hui. Un second mouvement en sens inverse du premier, mais moins important, est venu plus tard relever une portion du terrain qui avait été recouvert ainsi par la mer, et a fait émerger des dépôts formés au sein de l’eau, occasionnant certains changemens dans la forme des côtes et dans l’étendue des îles. On comprend que de telles oscillations de la croûte terrestre n’aient pu avoir lieu sans y amener des ruptures et des bouleversemens profonds. Il s’est produit des fentes, et par les ouvertures engendrées de la sorte la matière ignée sous-jacente a pu s’épancher au dehors. Des torrens de lave se sont déversés et ont donné naissance aux diverses roches volcaniques qui constituent certaines parties du sol de la Grèce continentale et des îles voisines. C’est à cette époque qu’un volcan s’est ouvert pour la première fois au milieu de l’emplacement actuel de la baie de Santorin. Les premières éruptions y ont été faibles ; probablement le volcan était d’abord sous-marin. Les gaz et les vapeurs qu’il exhalait se dissolvaient en grande partie dans les flots de la mer, mais n’empêchaient pas les polypiers et les mollusques d’y vivre au milieu des déjections ponceuses et des scories qui venaient se déposer en couches au fond de l’eau. Le mont Saint-Élie, dont le sommet, haut de 800 mètres, représente aujourd’hui le point culminant de l’île de Santorin, formait déjà un îlot composé de schistes et de marbres. Près de là, le sol était étoilé par des fentes nombreuses dont chacune a donné issue à des épanchemens énormes de laves et à d’abondantes projections de cendres. La matière ignée, refroidie après la sortie d’abord par le contact de l’eau de la mer et plus tard par le rayonnement dans l’atmosphère, s’est solidifiée chaque fois assez rapidement, et a bientôt constitué un amas considérable autour de la bouche principale du volcan. Il en est résulté la formation d’une île volcanique qui s’est soudée à l’îlot du mont