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laquelle l’empire se trouve placé. Cette position est pleine de difficultés, de périls même ; mais une politique hardie, libérale, peut encore assurer à l’Autriche le plus magnifique avenir, si les différentes nations de la monarchie savent comprendre quel est leur véritable intérêt. Le principal danger de l’Autriche vient de l’hostilité de ses deux puissans voisins, la Prusse et la Russie, unis depuis deux cents ans par l’identité de leurs visées. Ici toutefois il faut distinguer : la Prusse et l’Autriche ne sont pas nécessairement ennemies. Elles l’ont été aussi longtemps qu’elles se sont disputé la prééminence en Allemagne ; à présent que l’Autriche est exclue de la confédération, si elle acceptait franchement, définitivement sa position, rien ne s’opposerait à une réconciliation avec Berlin. Au fond, l’Autriche doit se féliciter d’être sortie de ce champ d’intrigues où à chaque instant s’élevaient des occasions de conflit. Ce sont ces rêves césariens de domination universelle qui ont perdu l’Espagne et fait si longtemps le malheur des populations soumises à la maison de Habsbourg. La Bohême se réjouit de ce que tout lien soit coupé avec cette confédération germanique dont elle a toujours énergiquement repoussé l’autorité. Lorsque l’année dernière, à la fête des tireurs à Vienne, M. de Beust prononça un discours qui semblait indiquer quelque velléité de se mêler des affaires allemandes, les Hongrois, sans acception de parti, exprimèrent leur mécontentement dans les termes les plus violens. Ni Slaves ni Magyars ne veulent donc plus intervenir en Allemagne. Que Vienne mette un terme à cette agaçante petite guerre d’aigres récriminations qu’elle soutient avec Berlin, et les populations de l’empire applaudiront hautement. Le vrai danger est vers l’Orient ; il vient de la Russie. De ce côté, il y a une rivalité et même une hostilité inévitables, aussi longtemps du moins que la condition politique et sociale de l’empire moscovite n’aura pas changé. Il se peut que le gouvernement de Saint-Pétersbourg n’ait aucune des idées d’agression qu’on lui prête ; mais il est certain que la nation russe, ou du moins ce que l’on appelle de ce nom, a conçu un idéal qui est de réunir dans un même état toutes les populations d’origine slave ou de religion grecque. Ce qui semblait une chimère dans le testament de Pierre Ier est devenu un dessein arrêté, embrassé, poursuivi avec une ardeur croissante à mesure que la réalisation semble en devenir plus prochaine. Le panslavisme avec l’annexion de Constantinople, Agram, Trieste, Belgrade, Bucharest, Lemberg et Prague, voilà ce que rêvent les Russes. Quel est l’obstacle ? Évidemment l’Autriche. Donc ils doivent désirer l’affaiblissement, le démembrement de l’Autriche. Comme on l’a dit, le chemin qui de Saint-Pétersbourg mène à Constantinople passe par Vienne. La