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bien les imposer à Vienne. Un fait grave vint prouver que la haute noblesse partageait les sentimens de la nation. Le personnage le plus important du pays, le prince Léon Sapieha, donna sa démission de président de la diète, et il n’a repris depuis, dit-on, ses hautes fonctions que sur les instances de l’empereur. Bientôt le gouvernement central aura contre lui toutes les forces vives de la Galicie, profondément blessée et avide de trouver l’occasion d’une revanche. Si la Cisleithanie était solidement constituée, elle pourrait peut-être ne point trop s’inquiéter de l’hostilité de la Galicie, quoiqu’il fût déjà fâcheux d’avoir provoqué l’animosité d’une province qui représente toute la nationalité polonaise ; mais en face de la Hongrie, forte de son passé de gloire et de son ardent patriotisme, la Cisleithanie présente bien peu de cohésion. Elle existe à peine sous un nom nouveau et sans signification, et elle doit compter avec le fanatisme froissé des Tyroliens et avec l’hostilité implacable des Tchèques. Étant faible à ce point, l’opposition de la Galicie peut l’ébranler jusque dans ses fondemens, encore si mal assis. Se peut-il que Vienne se refuse longtemps à voir le péril ?

Unanimes pour faire triompher le programme de 1868, les partis se divisent quand il s’agit de choisir le meilleur moyen pour atteindre le but commun. Les uns veulent faire une opposition passive, les autres une opposition active. L’opposition passive consiste à imiter les Tchèques d’aujourd’hui et les Hongrois d’avant 1867, à s’abstenir de toute intervention dans l’administration du pays, à ne pas envoyer de députés au Reichsrath, aussi longtemps qu’on refusera de rendre au royaume l’autonomie à laquelle il a droit. L’opposition active au contraire prétend arriver à ses fins par la voie constitutionnelle, en luttant avec énergie et persistance au sein des assemblées délibérantes, en saisissant toutes les occasions pour arracher des concessions successives et en modifiant ainsi peu à peu l’état des choses jusqu’à ce qu’il réponde aux vœux de la Galicie. A la tête du parti de l’opposition passive, c’est-à-dire de la plus tranchée, se trouve un homme de grand talent comme écrivain et comme orateur, M. Smolka. Le parti de l’opposition constitutionnelle reconnaît pour chef M. Ziemialkowski, qui jusqu’à présent exerçait au sein de la diète une influence prépondérante. Rien ne peut mieux faire comprendre les différentes opinions aux prises en ce moment en Galicie que les discours prononcés par MM. Smolka et Ziemialkowski au meeting des électeurs tenu à Lemberg le 27 juin 1869.

Le retentissement de cette assemblée a été grand parmi tous les Slaves du nord de l’Autriche, et ces discours ont précisé le programme des partis qui vont se disputer la direction des esprits. La question est grave, car il se peut que l’avenir de l’Autriche en