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qu’ils avaient toujours réclamée ; d’autre part, ils ne voulaient ni s’aliéner les Hongrois, auteurs du régime nouveau, ni s’allier aux Tchèques, livrés, disait-on, aux influences russes. En outre on leur avait donné un gouverneur polonais, le comte Goluchowski, et on leur promettait d’importantes concessions. C’est pour les satisfaire que le Reichsrath, au lieu de prendre les membres de la délégation cisleithanienne pour les affaires communes dans toute la chambre, comme le fait le parlement hongrois, décida qu’on les nommerait par province, de façon à donner ainsi un caractère fédéral à la constitution nouvelle. Certes, pour un député de la Galicie désireux de remplir son devoir, la position était difficile. Les vœux, les impatiences des Polonais, il les connaissait et probablement les partageait ; mais pouvait-il contribuer à entraver l’action d’un ministère qui apportait à la Cisleithanie la liberté et le progrès ? Devait-il lui refuser tout concours au risque de replonger l’Autriche dans le chaos ? N’était-ce pas travailler en faveur de la Russie que d’affaiblir le seul état qui pût faire contre-poids à l’influence moscovite, le seul où la nationalité polonaise peut espérer de se reconstituer actuellement ? Ces dernières considérations l’ont emporté dans l’esprit des députés galiciens, et avec raison, croyons-nous. Ils ont presque toujours voté avec le ministère, sauf dans le débat sur les lois confessionnelles, où, malheureusement pour eux, ils se sont prononcés en faveur des prétentions de l’église catholique.

On le voit, jusqu’à l’année dernière l’attitude des Polonais a été tout l’opposé de celle des Tchèques. Ceux-ci ont refusé de prendre part aux travaux du Reichsrath et de reconnaître la constitution nouvelle tant qu’on n’accorderait pas au pays de la couronne de saint Wenceslas la même autonomie qu’aux pays de la couronne de saint Etienne. Les Polonais au contraire, non-seulement se sont rendus à Vienne, mais ils ont soutenu le ministère dans l’espoir qu’ils obtiendraient de lui par la douceur les concessions que leurs frères de la Moldau ne pouvaient lui arracher par leur opposition absolue. Toutefois l’attitude conciliante des députés galiciens, dictée, cala est certain, par un patriotisme ardent et éclairé, a fini par déplaire à leurs commettans, qui ne voient que leurs griefs locaux et qui ne peuvent pas bien comprendre les sacrifices d’opinion et de prudence qu’imposent souvent la politique générale et les nécessités d’une situation complexe. Au mois d’août 1868, le mécontentement se fit jour à la réunion annuelle de la diète de Lemberg. On reprocha aux députés leur manque d’énergie et le peu de succès de leurs efforts. Après un débat très animé, il fut décidé que la diète adopterait un programme résumant les demandes de la Galicie, et que les députés seraient chargés de présenter ces résolutions au Reichsrath et d’en obtenir l’adoption.