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L'ALLEMAGNE
DEPUIS LA GUERRE DE 1866

XI.
LA QUESTION POLONAISE ET LA QUESTION RUTHENE EN GALLICIE.

L’Autriche a ce redoutable privilège d’être le champ clos où se débattent et où doivent se résoudre les plus graves questions politiques de notre continent. De son avenir dépend l’avenir de l’Europe centrale et orientale. Que l’antique empire des Habsbourg n’arrive pas à sortir de la crise de transformation dans laquelle il est encore engagé, que, par suite d’une secousse extérieure ou d’une convulsion intérieure, il vienne à se disloquer, et la grande Allemagne ne tardera point à se faire, embrassant toutes les tribus germaniques depuis la Baltique jusqu’au Danube. La conséquence probable de ce grave événement serait au bout d’un certain temps l’établissement d’un état panslave, sous forme soit de monarchie despotique, soit de république fédérative. Si cette puissance colossale, pesant d’un côté sur la Chine et sur l’Inde, de l’autre s’avançant jusqu’au cœur de l’Europe, ne devait se constituer que lorsque les populations, plus éclairées et se gouvernant elles-mêmes, auront compris qu’elles n’ont aucun intérêt à conquérir, opprimer et exploiter leurs voisins, c’est-à-dire à la veille du jour où s’établira la grande fédération européenne, la civilisation générale n’aurait peut-être rien à redouter de ces changemens. Si cette concentration effroyable de forces devait au contraire, dans un bref délai, s’opérer aux mains d’un gouvernement despotique encore attardé dans des rêves coupables