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de sang que lady Macbeth ne peut effacer ; du moins ne rendons jamais le présent complice du passé. Souvenons-nous d’un noble exemple. Nous avons tous vu une révolution téméraire qui, née dans un orage, pouvait réveiller de funestes passions. Qu’a-t-elle fait ? Dès le premier jour, elle a aboli le serment et la peine de mort. Elle a donné ainsi une sauvegarde à l’honneur et à l’humanité. Les républicains qui ont fait cela, la peur et la haine ne les inspiraient pas.


III

Ainsi les fautes des partis ne sont pas éternelles, et il dépend toujours des hommes de s’éclairer et de dominer leurs passions par leurs lumières. Les difficultés sous le poids desquelles a succombé la vaillante sagesse de nos pères viennent d’être relevées et mises tellement dans leur jour, qu’on pourra les supposer équivalentes à des impossibilités. Cela paraît ainsi, lorsqu’à une certaine distance des événemens on n’observe que les situations générales qui ont abouti à un désastre. Les causes qui l’ont produit paraissent de loin irrésistibles. On ne raisonne que sur les événemens donnés, et les causes générales, en étant données également, paraissent amenées par la fatalité, puisqu’un lien nécessaire unit la cause à l’effet ; mais les causes générales ne font pas tout en ce monde. La critique historique du temps est portée à ne voir qu’elles. Elle a tort et s’expose ainsi à bien des erreurs quand elle raconte le passé. Elle en commettrait de plus graves encore, si elle venait à diriger seule les hommes dans l’action. Outre les causes générales, il y a des causes secondes, des causes accidentelles et particulières, les unes fortuites, les autres volontaires. Les écrivains et les politiques d’autrefois faisaient le plus grand cas de la fortune. Ils exagéraient sa part, qu’on a tort aujourd’hui de réduire à rien. Il serait facile, dans le détail, de montrer que la révolution française a eu du malheur. Le malheur en ce sens vient du hasard, c’est-à-dire de causes qui ne sont point de l’ordre des causes politiques. Ces causes sont souvent des causes libres. La détermination d’un individu peut rarement être humainement prévue, du moins avec certitude, et, quand elle a été prise, elle paraît fatale comme tout fait accompli, qui n’est fatal qu’en ce sens qu’il est irrévocable ; mais la vérité est que chacun a agi librement, quoiqu’il ait agi en vertu des vues de son esprit et des inclinations de son cœur, en partie déterminées par les antécédens de sa vie. Quel que soit l’empire de ces circonstances, on doit tenir toute résolution