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LE BUT POLITIQUE
DE LA
REVOLUTION FRANCAISE


I

Les hommes ont épuisé leur éloquence à célébrer la vanité de leurs desseins et de leurs espérances. La complication imprévue des événemens de la vie est telle que les désirs les plus légitimes et les calculs les plus plausibles sont très souvent déçus par ce qu’on appelle la fortune, et, pour éviter à notre raison et à notre orgueil une humiliation, nous avons mis l’une et l’autre à reconnaître, à proclamer l’incertitude et l’inutilité de nos efforts et à nous vanter de ne pouvoir compter sur rien. En déplorant, comme on dit, le néant des choses humaines, il semble que nous nous élevions au-dessus d’elles, nous faisant ainsi un mérite de notre impuissance. La religion, la poésie, la morale, la satire même, s’unissent pour nous entretenir du peu de confiance que nous devons mettre dans le vrai même et dans le bien. Consultez la sagesse de Salomon ou la mélancolie de Lucrèce, la piété de Bossuet ou la moquerie de Voltaire, vous vous entendrez dire sur des tons différens que nous sommes le jouet des événemens, et que les combinaisons les plus laborieuses de notre esprit ne sont qu’un piège où se prend notre amour-propre, éternel sujet de risée pour la puissance mystérieuse qui gouverne tout. Ces réflexions cependant, que se plaît à propager une philosophie chagrine ou railleuse, ne peuvent qu’encourager une résignation mère ou sœur de l’indifférence et de la