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anciennes ne donnaient pas d’enseignement, qu’elles ne faisaient pas de réponse aux questions que l’homme se pose sur sa place et sa destinée dans le monde. Cette opinion n’est pas tout à fait exacte dans sa généralité, et M. Girard nous montre que la religion grecque, sans avoir d’enseignement précis et formulé, de symbole ou de catéchisme, n’est pourtant pas restée entièrement étrangère à ces grands problèmes, et qu’elle a de quelque façon cherché à les résoudre. Un auteur illustre a prétendu aussi de nos jours « que les Grecs n’ont jamais eu le sentiment profond de la destinée humaine, qu’ils n’ont jamais été que de gais et robustes adolescens, que leur sérénité enfantine était toujours satisfaite d’elle-même. » M. Girard ne partage pas ces opinions radicales. Il affirme au contraire que le Grec a eu de bonne heure un souci profond et sérieux de lui-même et de sa condition, a qui mit dans ses premières œuvres un accent de plainte dont rien chez les modernes n’a dépassé la force pathétique. » Y a-t-il en effet rien de plus mélancolique dans l’Ecclésiaste que ce mot si souvent cité de Pindare : « Êtres éphémères, que sommes-nous ? que ne sommes-nous pas ? Le rêve d’une ombre, voilà l’homme. » Peut-on prétendre, quand on vient de lire les vers brûlans d’Eschyle, que les Grecs détournaient volontairement la vue de tous ces graves problèmes, ou qu’ils les considéraient toujours avec une dédaigneuse sérénité ? M. Girard a voulu prouver au contraire, et c’est là la pensée de son livre, qu’ils les ont longtemps agités avec passion, qu’ils ont cherché ardemment à les résoudre, que les âmes les plus fortes étaient troublées en les contemplant, qu’enfin ces inquiétudes, ces émotions, ces terreurs, dont on retrouve la trace dans Eschyle, n’ont pas été inutiles à la naissance du drame, et que la Grèce leur doit une des plus belles formes que l’art ait imaginées pour exprimer les joies et les douleurs des hommes.


GASTON BOISSIER.



LA GRAMMAIRE AU MOYEN AGE[1].


Au nombre des collections si importantes publiées par les soins ou sous les auspices de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, il en est une qui porte pour titre : Notices et Extraits des manuscrits ; cette publication, qui compte déjà vingt-deux volumes in-4o, qui fait suite à l’ancienne collection du même genre publiée avant la révolution par l’ancienne académie, a pour objet de donner soit en totalité, soit par extraits, soit

  1. Histoire des doctrines grammaticales au moyen âge, par M. Ch. Thurot, t. XXII des Notices et Extraits des manuscrits publiés par l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.