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échanges de politesses. L’ambassadeur du roi Guillaume en Autriche, M. de Werther, qui a causé plus d’un ennui au cabinet de l’empereur François-Joseph va être rappelé pour venir sans doute à Paris. Le prince de Prusse, qui est sur le point de se rendre à l’inauguration de l’isthme de Suez, doit passer par Vienne et s’arrêter auprès de la famille impériale d’Autriche. M. de Beust, qui vient de profiter d’un congé pour faire un voyage d’agrément jusqu’en Suisse, a trouvé en passant à Bade le plus gracieux accueil auprès de la reine de Prusse, qui l’a invité à dîner ; puis, poussant plus loin son voyage, M. de Beust s’est arrêté à Strasbourg, où il a rencontré le prince de Metternich, qui est venu aussitôt faire une course à Paris, et, voyageant toujours pour son agrément, le chancelier de Vienne s’est mis sur la trace du prince Gortchakof, qu’il a trouvé en Suisse, à Ouchy, tout prêt sans doute à causer des affaires de l’Europe en vaquant paisiblement aux soins de sa santé. M. de Beust a terminé son excursion accidentée de rencontres qui n’étaient pas probablement imprévues, et il est maintenant rentré à Vienne. Le résultat, tel qu’il apparaît, est à peu près ceci : l’Autriche renoue avec Saint-Pétersbourg, où elle va envoyer un ambassadeur pendant que nous allons être représentés par le général Fleury, dont la nomination coïncide avec tous ces mouvemens indistincts. En même temps l’Autriche fait sa paix avec la Prusse sans cesser d’être dans les meilleurs termes avec la France, de sorte que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes diplomatiques.

Sur quelle base se sont opérés ces rapprochemens ? C’est là le mystère, c’est là justement que s’élèvent des signes contradictoires. Chose curieuse en effet, au moment même où la diplomatie se livrait à tout ce travail de réconciliation, plus que jamais on recommençait à parler au-delà du Rhin de l’entrée du grand-duché de Bade dans la confédération de l’Allemagne du nord. Cette fois il n’y avait plus de doute, tout allait s’accomplir au premier jour. Ce n’était qu’un bruit, répandu peut-être avec calcul ; les choses n’étaient pas aussi avancées qu’on le disait, et en ouvrant récemment les chambres à Carlsruhe le grand-duc a d’ailleurs levé toutes les incertitudes, il s’est exprimé de façon à laisser voir que rien n’était fait, et même que rien n’était sur le point de se faire. Si on a eu un moment à Carlsruhe ou à Berlin la pensée d’une incorporation immédiate du grand-duché, cette pensée a été abandonnée par des considérations supérieures de politique générale, peut-être aussi parce qu’on a vu que la masse de la population badoise n’était pas mûre encore pour son nouveau dessin, et, dût-il se produire dans le parlement badois quelque manifestation dans le sens de l’annexion, cette manifestation pourrait créer au gouvernement des difficultés, elle ne changerait pas la situation actuelle. Que l’idée de l’annexion persiste néanmoins, c’est ce qui n’est pas douteux, et on n’a pas négligé à Berlin de faire