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Victor Hugo n’ait trouvé le secret d’arrêter l’humanité à son point après la dernière guerre qu’il médite !

M. Victor Hugo a célébré la paix à sa manière, il a célébré aussi naturellement la république, sans laquelle, on le sait bien, toute paix est impossible ; il a mieux fait, il a promulgué solennellement en plein congrès la réconciliation de l’idée républicaine et de l’idée socialiste, qu’il a unies dans un poétique embrassement, et, par une coïncidence qui n’a rien d’étrange, un certain nombre de personnes se réunissaient en même temps à Paris, le 21 septembre, pour célébrer l’anniversaire de la fondation de la république de 1792. Pour la première fois depuis longtemps, si nous ne nous trompons, le 21 septembre a été fêté ; la république reparaît visiblement dans les polémiques, et si nous remarquons ce fait, ce n’est nullement pour nous étonner que des hommes qui ont leurs convictions les manifestent quand ils le peuvent, dès que la discussion retrouve ses droits. La république par elle-même d’ailleurs n’est pas précisément ce qui effraie, elle est une forme comme une autre, pourvu qu’elle soit régulière, et, à dire vrai, on n’est pas bien loin d’un état républicain en quelque sorte inconscient dans un pays où depuis près de quatre-vingts ans la loi d’hérédité monarchique n’a pas reçu encore une seule application, où le prestige de la royauté a été si terriblement atteint ; malheureusement, il y a longtemps qu’on l’a dit, ce sont les républicains ou du moins certains républicains qui sont les premiers ennemis de la république. Ils font dans la politique ce que les absolutistes du catholicisme font dans le domaine religieux, ils se créent un idéal étroit et tyrannique qu’ils prétendent imposer, dont ils sont seuls les promulgateurs et les interprètes. Au lieu de faire de la république le bien et la garantie de tout le monde, ils la rétrécissent aux proportions d’une secte ou d’une coterie. Au lieu de rassurer les intérêts, il les ébranlent et les laissent sans sécurité. Ils ont toujours l’air dans leurs discours de montrer le poing à quelqu’un, de menacer toute dissidence. Ils ont une histoire, des dates, des anniversaires, qui n’appartiennent qu’à eux, que la grande masse nationale, dans son intelligence ou son instinct, répudie le plus souvent. D’avance ils dépopularisent leur régime par la défiance et les inquiétudes qu’ils sèment, et ils font si bien que, le jour où la république apparaît, elle est déjà en péril, elle porte en elle-même le germe de toutes les réactions. Vivante, ils la compromettent ; absente, ils l’exaltent et la représentent de façon à la ruiner encore. Elle renaîtrait demain que la même histoire recommencerait, et, comme si cela ne suffisait pas, voici M. Victor Hugo qui prétend populariser la république en la doublant du socialisme, c’est-à-dire qu’il réunit une chose qui rassure déjà fort peu et une autre chose qui épouvante la France. On sert la république comme on sert la paix. Puisque les républicains de Lausanne et de Paris voulaient célébrer leur 21 septembre, ils n’avaient qu’à aller chercher