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et excessive qui pousse l’état à intervenir dans cette industrie jusqu’à vouloir, par exemple, mesurer aux saleurs la quantité de sel qu’ils doivent mettre dans chaque baril de hareng. Il est évident que, si quelqu’un est bon juge en cette matière, c’est l’industriel, le manipulateur lui-même. Ces règlemens de précaution pouvaient avoir leur raison d’être il y a un siècle, alors que les moyens de transport étaient lents et difficiles ; nous n’en sommes plus là, le progrès a amené de grands changemens ; il n’y a qu’une chose qui n’ait pas changé, ce sont les lois qui régissent l’industrie des pêches.

La pêche de la baleine, outre qu’elle peut être une grande source de revenu pour le pays, est aussi une rude école de marine où se forment les meilleurs manœuvriers de nos escadres. À ce double point de vue, elle sollicite l’intérêt de l’état, et ce n’est pas au moment où nous avons tout à faire pour relever cette industrie ruinée que nous conseillerons de supprimer les primes ; mais elles ne doivent pas être données en échange de sujétions qui en détruisent tout le bon effet. Si l’état, étant intéressé, peut légitimement intervenir dans les pêches, il faut que son intervention soit avant tout et uniquement protectrice. De même que nous avons démontré la nécessité d’une réforme complète dans l’outillage, réforme que l’état devrait provoquer en prenant l’initiative des expériences, de même aussi nous demanderons une législation nouvelle, conçue dans le sens le plus libéral, élaborée avec le concours des hommes pratiques. Que l’on se décide à faire ces réformes urgentes, et la pêche de la baleine, dans laquelle nous avons été les premiers, qui a rapporté tant de millions à la France, se relèvera lorsqu’on la croyait à jamais perdue. Elle a traversé une phase malheureuse ; mais, renouvelée par les progrès de la science, débarrassée des entraves que lui oppose une législation vieillie, elle peut, dans un avenir prochain, inaugurer une ère de prospérité brillante et reconquérir une place digne de son passé.


JULES NOUGARET.