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proche en proche entre le cap Horn et le cap de Bonne-Espérance, entre le cap de Bonne-Espérance et la terre de Van-Diemen, entre Van-Diemen et la Nouvelle-Zélande, enfin entre la Nouvelle-Zélande et le cap Horn, de sorte que la pêche de la baleine entraînait tout simplement le tour du monde. La baleine devenant de plus en plus rare dans ces mers, on la chercha d’abord dans l’hémisphère sud, entre l’Amérique, la Nouvelle-Zélande, les Nouvelles-Hébrides et la terre de Papoue, puis dans l’hémisphère nord, au Pacifique, aux îles Sandwich. Tel est le prodigieux itinéraire qui se déroule devant un navire baleinier. Comme il est forcé de subir alternativement les latitudes les plus extrêmes, il est indispensable qu’il ait des bordages d’une assez grande épaisseur ; mais il faut aussi que les conditions de vitesse soient prises en considération, puisque le succès de la pêche en dépend.

L’installation intérieure doit être aussi toute spéciale. Dans la cale sont coincés les barils destinés à recevoir les produits liquides de la pêche, l’huile et le spermacéti, appelé blanc de baleine, quoiqu’il ne se rencontre que dans la tête du cachalot. L’entre-pont se divise en trois parties : à l’avant, les chambres de l’équipage ; à l’arrière, le carré des officiers ; le grand espace intermédiaire prend le nom de parc au gras. C’est là que le lard des baleines est provisoirement serré en attendant que l’état de la mer et les loisirs de la pêche permettent de le fondre. Cette fonte se fait dans la cabousse. C’est un fourneau spécial situé à l’arrière du mât de misaine. Il se compose de deux ou trois pots pouvant contenir de huit à neuf barils chacun ; ils sont placés au-dessus d’une large grille destinée à supporter le combustible ; la cheminée de tirage s’élève par derrière. La sole sur laquelle repose la grille et qui reçoit les cendres et les escarbilles est formée de briques réfractaires ; on a bien soin de laisser entre la sole et le pont un espace où circule constamment un courant d’eau : sans cette précaution, le pont pourrait se charbonner, ce qui entraînerait l’effondrement de toute la cabousse et peut-être la perte du bâtiment. Ainsi le navire baleinier n’est que le magasin, l’usine, l’auberge des hommes de l’expédition ; l’agent le plus actif de cet armement, c’est la pirogue. C’est elle qui donne réellement la chasse à l’animal. Dès qu’un souffle est signalé, le capitaine met en panne, les baleinières sont lancées, et c’est à qui luttera de vitesse pour arriver le premier sur la baleine. Une pirogue baleinière est montée par sept hommes ; chacun a son rôle. Le capitaine de pêche est à l’arrière et manœuvre l’aviron de queue, qui doit donner la direction, puis viennent cinq rameurs, et à l’avant se trouve le premier harponneur ; celui-ci est assisté par le second harponneur, qui tient un aviron. Ainsi il n’y a pas de place perdue, et