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la côte, il se dirige avec sa pirogue sur le point où il suppose que la baleine va se montrer ; là, il attend inutilement près d’une heure, et se décide à revenir à bord, supposant que sa baleine a fait une longue sonde et s’est sauvée en pleine mer. Une heure après, il se trouvait chez le consul d’Angleterre ; des enfans viennent le prévenir que du haut d’un morne on aperçoit la baleine au fond des eaux. A plus de soixante brasses de profondeur, une énorme baleine était en effet couchée au milieu des varechs. Aussitôt le capitaine Lopez signale à son lieutenant d’amener sur elle, espérant qu’elle finira par souffler ; mais elle reste impassible, et après deux heures d’attente il fallut se résoudre à l’abandonner. Que penser de tout cela ? Faut-il classer la baleine parmi les amphibies ? Cela n’est pas possible, puisque nous sommes en face d’un mammifère, et qu’au lieu d’avoir des branchies notre cétacé est réellement pourvu de poumons. On est amené à conclure qu’au moment où elle se dérobe, la baleine tombe dans un sommeil léthargique pendant lequel toutes les fonctions vitales restent suspendues, ce qui lui permet de rester plusieurs mois inerte au fond des eaux, sans nourriture, sans respiration, ayant toutes les apparences de la mort.


II

De tout temps, les avis ont été partagés sur les dimensions qu’il convient de donner au navire baleinier. Un navire de trop petit échantillon serait insuffisant, il ne faut pas non plus adopter un tonnage exagéré, et le trois-mâts de 400 à 500 tonneaux paraît présenter les meilleures conditions et répondre à toutes les exigences. L’aspect d’un baleinier ne saurait avoir rien de bien gracieux. Appelé à tenir la mer et à faire face à tous les temps pendant des campagnes qui se prolongent souvent au-delà de trois années, il doit réunir des conditions de solidité exceptionnelles sans que toutefois ses qualités de marche se trouvent compromises. Il est obligé en effet de suivre la baleine dans toutes ses migrations, de visiter successivement tous les lieux de pêche, c’est-à-dire les mers où on la rencontre le plus fréquemment. De là des déplacemens continuels qui obligent le baleinier à courir d’un pôle à l’autre. Au moyen âge, on vendait de la viande de baleine sur les marchés de Bayonne ; la baleine se tenait donc dans le golfe de Gascogne, c’est-à-dire à nos portes. Chassée à outrance par les Basques, elle ne tarda point à porter ses pénates dans des lieux plus sûrs. En 1815, on la rencontre aux Antilles, puis sur les côtes du Brésil, aux pêcheries Sainte-Catherine. De ces parages, on la poursuivit de