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pendant la poursuite. On a cru que c’était use tactique habile pour diminuer les chances des baleiniers en les obligeant à naviguer vent debout. Si la baleine avait assez d’intelligence pour imaginer une telle ruse de guerre, elle userait un peu mieux de sa force, et ne se résoudrait pas à fuir devant une faible pirogue. Ce qui la décide à aller dans le vent par les gros temps et lorsque la poursuite l’oblige à accélérer sa marche, c’est que dans cette orientation, elle peut respirer plus rapidement sans que l’eau entre dans les évens. Ainsi, toutes les fois que, par une belle brise, le capitaine apercevra, une baleine au vent à lui, il devra renoncer à lui donner la chasse, car à la deuxième sonde tout aurait disparu, et il aurait perdu un temps précieux sans autre profit que de fatiguer son équipage.

La manière dont la baleine se nourrit a aussi donné lieu à beaucoup de fables. La bouche est vraiment prodigieuse. Quand la tête est séparée du corps, on la prendrait pour la proue d’un navire : on a vu des têtes de baleines sous lesquelles ; douze hommes pouvaient se tenir debout sans être gênés. La mâchoire supérieure est garnie de lames cornées appelées fanons ; ces lames, qui ont la forme d’une feux, sont très rapprochées les unes des autres ; les plus longues, situées au milieu, atteignent quelquefois la longueur de 2m50, puis elles vont en diminuant jusqu’aux deux coins de la bouche, où on ne trouve que des fanons tout à fait rudimentaires. Les fanons sont lisses extérieurement, tandis que le bord interne présente une foule de petits fils dont l’ensemble simule une brosse concave, et qui vont s’effilant de haut en bas. La mâchoire inférieure, complètement désarmée, est munie en dehors de deux lippes bilobées qui s’abaissent avec elle quand l’animal ouvre sa bouche, et se relèvent quand il la ferme, emboîtant alors le bas des fanons, que les pêcheurs appellent la barbe.

La bouche étant fermée, l’appareil fait, l’effet, d’une énorme grille ventrue. Cette grille ou filet ne peut empêcher l’eau de pénétrer dans la gueule de la baleine : aussi la nature a pourvu cet animal d’un gosier très étroit et très contractile qui ferme l’entrée de l’estomac. Il en résulte que la baleine, étant dépourvue d’organes de mastication, ne peut avaler que des poissons de très petite taille. La humpback et la finback sont à peu près, les seules espèces qui engloutissent la sardine et le hareng ; mais on n’a jamais trouvé d’aussi gros morceaux dans l’estomac de la baleine franche. On n’y voit que des milliers de crustacés ou de petites araignées damer moins grosses que des lentilles. L’océan offre souvent dans la saison d’été et dans certains parages de grandes voies d’un rouge vif, épaisses de plusieurs mètres, et se développant à vingt-cinq lieues de long sur quatre ou cinq de large. Elles sont formées, par des myriades de