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parties qui se développeront plus tard ? C’est là un mystère que l’homme ne percera peut-être jamais ; ce qui est certain, c’est qu’à mesure que l’on s’élève vers les êtres supérieurs, on voit le germe fécondé subir une élaboration d’autant plus parfaite qu’il reste plus longtemps attaché à la mère. Cependant l’influence de celle-ci ne se fait pas plus sentir dans le résultat final que celle du père. Si les gemmules accumulées jouaient ici un rôle décisif, la mère n’en fournirait-elle pas une plus grande part par la communication des liquides nourriciers qui serviraient justement de véhicule à ces germes ? Or il est évident par les ressemblances qu’elle n’ajoute rien à ce qu’elle a fourni tout d’abord. On pourrait élever bien d’autres objections, et pourtant il serait téméraire de condamner entièrement l’hypothèse de M. Darwin. L’assimilation analogique de la génération sexuelle au bourgeonnement, aux métamorphoses et à la croissance, la vie indépendante des unités corporelles ou cellules, la certitude de multiplication de celles-ci par division spontanée, prêtent beaucoup de vraisemblance à la faculté qu’on leur attribue d’émettre des gemmules. La transmission fidèle, l’état latent des caractères paternels, les variations de l’organisme à certains points de vue, la fixité qu’il présente sous d’autres, sont autant d’indices susceptibles de faire pencher la balance en faveur d’une doctrine exposée d’ailleurs avec un art infini et une science d’observation consommée. A notre avis pourtant, le véritable but que s’est proposé M. Darwin n’est pas celui qu’il essaie d’atteindre au moyen de la pangénèse. Les ressorts de la vie organique nous resteraient inconnus que nous pourrions encore nous demander comment se sont formés et d’où sont venus les êtres que nous groupons sous la dénomination d’espèces. La recherche des questions d’origine, la lutte contre d’anciens préjugés, l’éclaircissement patient et graduel de la façon dont il est possible de concevoir les phénomènes d’évolution, voilà la vraie tâche que le naturaliste anglais a su s’imposer et qu’il accomplit tous les jours. Il a montré en effet aux esprits non prévenus qu’un lien général réunit tous les êtres organisés, que ce lien devient plus étroit à mesure qu’on les divise en groupes secondaires, jusqu’à ce que l’on arrive à des individualités tellement voisines qu’on est en droit de les considérer comme provenant d’une même souche. Il a montré aussi que, si l’on quitte les espèces sauvages, dont les caractères sont d’autant plus fixes qu’ils se sont affermis plus lentement, pour aborder les animaux et les plantes domestiques, on voit les mêmes phénomènes revêtir une physionomie particulière due à l’impulsion de l’homme, mais qui n’en est pas moins propre à nous dévoiler la marche de la nature. Les espèces créées par l’homme ou races ne sont point pareilles à celles que la nature a formées, le