Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 83.djvu/658

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’homme ne se développe chez eux qu’à la longue. Vivre à portée des plus utiles et des plus sociables pour en retirer certains avantages, tel est sans doute le point de départ de la domestication ; de cette idée à celle de les parquer, de s’emparer des jeunes pour les élever, il n’y a qu’un pas. Il fut franchi lorsque les animaux, plus vivement pourchassés et s’éloignant de l’homme, l’obligèrent à s’ingénier pour se procurer des ressources. Tant qu’il trouva dans les plaines des proies faciles, l’homme n’eut près de lui aucun animal domestique, sauf peut-être le chien, qu’il dut de bonne heure associer à son existence. D’ailleurs il ne s’est attaqué aux mammifères que lorsque la connaissance du feu lui eut appris à en modifier la chair par la cuisson ; sa dentition le voue naturellement à un régime composé de racines, de fruits, peut-être d’œufs et de petits animaux ; il a dû toujours rechercher les substances végétales, et, d’après ce que nous ont appris à cet égard les cités lacustres, il utilisait autrefois jusqu’aux fruits les plus misérables. Le sauvage de nos jours, auquel ressemblait certainement l’Européen primitif, traîne une existence précaire et est exposé à de grandes disettes. Il ne faut donc pas s’étonner de trouver les mûres, les baies de prunellier, les châtaignes d’eau et même les glands au nombre des substances alimentaires usitées dans les premiers âges. L’homme a certainement goûté de tout avant de faire un choix raisonné parmi les plantes dont il se nourrit, et M. Darwin est porté à croire que nos céréales ont dû à leur grain, promptement grossi par la culture, de se voir préférer à une foule de graminées à peine comestibles que le besoin poussait d’abord à recueillir.

L’idée de la domesticité, étroitement liée à celle des plus anciens progrès de l’homme, se perd donc avec lui dans la nuit des temps, et pourtant c’est justement le mystère des origines premières que notre esprit tiendrait à percer. Il faut recourir pour cela aux recherches récentes sur les âges de la pierre taillée, de la pierre polie et du bronze. Les vestiges des animaux domestiques y sont relativement plus rares que ceux des animaux sauvages. Quant aux plantes, les découvertes opérées sur l’emplacement des anciennes cités lacustres ont dévoilé le mode d’alimentation et l’agriculture rudimentaire des races primitives. On a observé un chien, probablement domestique, dans les débris de cuisine de la période néolithique en Danemark ; du temps des cités lacustres, dans l’âge de la pierre polie, c’est-à-dire à peu près à la même époque, il existait aussi en Suisse un chien de taille moyenne, intermédiaire entre le loup et le chacal. L’âge du bronze, en Scandinavie comme en Suisse, fait voir un autre chien de plus haute taille, remplacé dans l’âge du fer par un chien encore plus grand. — Le cheval était domestiqué vers la fin de la pierre polie ; mais ses débris sont bien plus rares que lorsqu’il ne servait