Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 83.djvu/646

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Changent pas. Les animaux fouisseurs, rongeurs, ceux qui vivent d’herbage, de racines ou de fruits, se multiplieraient au-delà de toute mesure et jusqu’à l’entier épuisement des substances qu’ils mangent, si les carnassiers n’étaient là pour en diminuer le nombre. C’est donc par suite d’un étroit enchaînement de combinaisons très complexes que l’ensemble organique se fonde et se maintient ; l’équilibre, aisément rompu, se rétablit avec la même facilité. On doit concevoir cependant que plus on remonte la série des êtres pour se rapprocher des animaux supérieurs, plus aussi les réactions réciproques, par conséquent les occasions de variabilité se multiplient. Le végétal inférieur ou cryptogame, très borné dans ses exigences, varie peu et se rencontre presque partout ; le temps comme l’espace apportent chez lui peu de changemens. Il n’en est déjà plus ainsi pour les végétaux d’un ordre élevé, chez lesquels la division du travail organique est mieux marquée ; plus délicats, plus sensibles, plus disposés à des adaptations définies, ils doivent tendre à se spécialiser de plus en plus, donner lieu à de nombreuses variations de forme et de détails. C’est en effet ce que l’on remarque lorsqu’on remonte d’étage en étage pour s’attacher à suivre les principaux genres de plantes. Les groupes les plus anciens sont à la fois les plus fixes, les plus tranchés et les moins nombreux. Ceux dont l’origine est plus récente affectent une très grande variété de formes ; mais les traits essentiels de structure sont bien plus monotones : les types ont, à force de dédoublemens, perdu en originalité ce qu’ils ont gagné en diversité.

Les animaux inférieurs offrent les mêmes limites de variabilité que les plantes : ceux des eaux, habitant un milieu qui change peu, et les types terrestres, dépendant de conditions très générales, ont toujours eu une longue existence. Les insectes et les mollusques d’eau douce des terrains secondaires diffèrent assez peu des nôtres, et à cet égard la nature a beaucoup moins changé depuis des temps très reculés qu’on ne le croit généralement. Il n’en est plus de même dès que l’on touche aux animaux supérieurs, si compliqués par leur organisation, si libres, si susceptibles de varier leur régime, de réagir contre le climat par la chaleur intense du foyer qu’ils portent en eux. Quelle diversité de mœurs, de tendances et d’allures ! L’intelligence et le choix se mêlent à l’instinct ; l’ours vit tantôt d’œufs, de miel et de fruits, tantôt de proie vivante ; le chat guette ses victimes, le chien chasse librement ; d’autres animaux peuvent découvrir le lichen sous la neige, comme le renne, changer de pays par caprice ou par nécessité. Ne voit-on pas combien ces circonstances et une foule d’autres doivent susciter de variations au sein de l’organisme ? Aussi les animaux se sont-ils modifiés d’autant plus