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subites. Du reste il est évident que les modifications ainsi observées, bornées à quelques points restreints des anciennes mers, ne peuvent passer pour l’expression de rénovations biologiques générales et nous en donner la clé. Il y a plus, l’on peut affirmer que les animaux et les plantes terrestres sont loin d’avoir subi les mêmes vicissitudes que les êtres marins. Le dessèchement d’une méditerranée peut amener l’extinction d’une foule d’espèces, tandis que l’air n’est sujet ni à disparaître ni à s’altérer comme l’eau. Enfin il existe entre les plantes et les animaux vivant à la surface du sol une différence radicale. La plupart des animaux sont libres de leurs mouvemens, tandis que les plantes sont attachées à la terre et y puisent leur nourriture. Il est impossible aux plantes de fuir le danger, de marcher volontairement dans une direction déterminée, d’opérer des migrations annuelles, ce qui est loisible aux animaux. Cette immobilité des végétaux n’est pas cependant pour eux, comme on pourrait le croire, une cause de destruction facile ni générale. Doués de plus de longévité, susceptibles dans beaucoup de cas de s’établir profondément dans le sol, ils l’envahissent, s’étendent de proche en proche et disséminent partout leurs graines, dont la vitalité est souvent très persistante. A moins d’une submersion totale ou de changemens brusques dans le climat, les végétaux résistent comme types, sinon comme individus ; leur agonie peut se prolonger pendant des siècles ; il est donc plus que difficile de croire à la disparition brusque des diverses flores qui se sont succédé autrefois sur la terre. La paléontologie démontre en effet que les modifications subies par la végétation ne sont devenues définitives qu’à la suite d’un temps très long.

Les animaux terrestres, au contraire des plantes, peuvent marcher, fuir, émigrer, ils ne puisent pas leur nourriture dans le sol ; mais à ce point de vue ils dépendent des plantes et des animaux eux-mêmes. Leur dépendance, pour être moins matérielle, n’en est pas moins réelle, et surtout elle varie suivant les groupes zoologiques que l’on considère. Les plus petits et les plus infimes peuvent marcher sans doute, mais pour beaucoup d’entre eux cette marche se réduit à rien. En dehors de certaines catégories, comme les sauterelles, la plupart des insectes, attachés à une classe déterminée de végétaux ou même à une seule plante, vivent et meurent avec elle. Les grands animaux profitent mieux de leur liberté de mouvement ; toutefois justement à cause de leur régime moins borné, de leur taille, de leur facilité de changer de pays et de s’accommoder de plusieurs climats, ils subissent les effets d’une concurrence mutuelle dont le résultat est de les contenir dans des limites proportionnelles qui changent peu, tant que les circonstances elles-mêmes ne