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dépouiller les archives. Alors, tout un monde nouveau lui est apparu.

M. Agassiz, dans son livre sur l’espèce, dit que M. Élie de Beaumont, cherchant à classer les changemens survenus dans les chaînes de montagnes, en a constaté au moins soixante ou même cent, correspondant à autant de révolutions plus ou moins générales. La paléontologie n’établit pas moins de renouvellemens dans la faune et la flore terrestres ; c’est en combinant ces deux genres de faits que l’on est parvenu à fixer un nombre déterminé de périodes embrassant à la fois les phénomènes physiques et ceux qui se rapportent aux êtres organisés. L’histoire de la vie se confond ainsi avec celle du globe lui-même, et cependant y a-t-il en réalité entre les modifications de la matière brute et celles des animaux et des plantes une connexion nécessaire ? M. Agassiz, qui voit dans le développement de la vie l’exécution d’un plan libre et intelligent, croit pourtant à une coïncidence probable entre les rénovations organiques et les révolutions physiques. Il admet le « synchronisme et la corrélation » de ces deux ordres de phénomènes ; il reconnaît dans l’un une cause au moins occasionnelle, prévue, à ce qu’il pense, et conforme au plan dont il attribue les détails aussi bien que la pensée à l’auteur suprême de toutes choses.

Malgré cette autorité et celle de plusieurs savans distingués qui pensent de même, il est bien difficile de croire qu’il y ait eu autrefois aucune relation directe de cause à effet entre les changemens survenus dans le relief du globe et la transformation des animaux qui le peuplaient. Le nombre de ces prétendues révolutions générales n’a jamais pu être fixé, même approximativement. On admet sans doute en géologie de grandes divisions, et l’on s’accorde à reconnaître l’existence d’époques distinctes, de terrains successifs ; mais dès qu’il s’agit de déterminer les limites précises de chaque terrain, de s’entendre sur le nombre, la valeur, l’étendue exacte des étages ou subdivisions, les difficultés deviennent inextricables, et finalement entre deux terrains d’abord très distincts vient s’intercaler un terrain mixte qui exclut entre eux toute idée de séparation tranchée. Il semble impossible aujourd’hui d’admettre qu’il y ait jamais eu des perturbations assez intenses et assez générales pour détruire la totalité ni même une notable partie des êtres vivans ; le temps n’est plus où la présence seule des fossiles semblait être le témoignage d’un enfouissement violent. Le plus grand calme a dû au contraire présider à de pareils phénomènes ; l’immense majorité des coquilles marines ont vécu sur place, et l’on peut observer en bien des points les traces successives du sol marin reporté peu à peu à divers niveaux, sans aucun indice de convulsions