et un nouveaux docks et reconstruit six anciens dans le port de Liverpool. Pour bien apprécier la grandeur de la lutte que dut soutenir l’industrie contre les forces aveugles de la nature, il faut d’abord connaître sur quel terrain on marche. Les puissantes assises de granit à la surface desquelles retentit aujourd’hui le pas des visiteurs ont été enfoncées dans un sol boueux déposé par le fleuve. Un autre obstacle très sérieux était l’élévation des marées. Sur certaines côtes du sud de l’Angleterre, le flux n’est guère que de 7 à 9 pieds, tandis qu’à l’embouchure de la Mersey il monte, par les marées de printemps, jusqu’à 30 ou même 32 pieds de hauteur. Cette altitude de l’échelle des eaux a naturellement rendu nécessaires des travaux particuliers de défense. Veut-on s’en convaincre, il suffit de jeter les yeux sur le mur de granit qui sert de rempart contre la mer, sea wall. Pour construire seulement 3 pieds d’une pareille digue, il faut dépenser 75 livres sterling (1,875 fr.), et qui ne serait stupéfait de l’étendue de cette barre protégeant les docks et les mettant à couvert de la fureur des vagues ? Jusqu’à ce que fût achevé le plus fort de la muraille, 6,000 ouvriers ont travaillé contre vents et marées ; 2,000 y travaillent encore aujourd’hui. On ne conquiert les élémens que par la patience et le sacrifice. « À la vue de tels ouvrages, m’écriai-je frappé d’admiration, on se sent fier d’être homme. — Il n’est point un ver, he is not a worm, » me répondit en souriant M. Lys-ter, ingénieur des docks, qui contemplait lui-même avec quelque orgueil cette ceinture de pierre. L’ensemble de ces immenses travaux a peu à peu converti un mouillage dangereux pour les navires en l’un des ports les plus sûrs et les plus magnifiques de l’univers. On peut vraiment dire que la science, aidée du travail manuel, a refait l’estuaire de la Mersey et corrigé la nature.
À l’extrémité des autres docks et tout à fait à l’embouchure du fleuve s’étend Canada dock, construit sur d’anciens sables mouvans. L’écluse (lock) qui retient les eaux du bassin mesure 498 pieds de longueur sur 100 pieds de largeur ; c’est la plus grande qui existe au monde. Pour vaincre la résistance de la mer, qui augmente à mesure qu’on s’avance vers la bouche de la Mersey, on a creusé des puits (sea vents), sorte de soupapes de sûreté au fond desquelles la vague vient mourir en mugissant. Nos voisins distinguent trois sortes de docks : — les wet docks ou bassins remplis d’eau dans lesquels les navires trouvent un asile pour charger et décharger leur cargaison ; les dry docks, ainsi appelés parce que, à la marée basse, des petits vaisseaux s’y reposent à sec sur un fond boueux ; enfin les graving docks, construits de manière à admettre ou à chasser l’eau par le moyen d’écluses. C’est dans ces derniers qu’on répare les vaisseaux. Quelques-unes de ces formes ou cales sèches, construites