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et compliqua les élémens de la vie municipale, il fallut recourir à un autre mode plus expéditif pour sauvegarder les intérêts communs. C’est alors que naquit l’administration par délégués. Les habitans d’un bourg (borough) choisissent entre eux un certain nombre d’hommes capables auxquels ils confient pour un temps déterminé leurs droits de surveillance. A l’intervention directe de tous s’est substitué le gouvernement par des intermédiaires. Le vote désigne ceux qu’on croit les plus dignes d’exercer les différentes fonctions publiques, et ces charges gratuites n’en sont pas moins très recherchées, car elles confèrent des honneurs et des titres auxquels ne demeure point insensible l’amour-propre britannique. On accuse même ce système de favoriser dans certains endroits l’apparition de coteries habiles et remuantes qui accaparent la direction des affaires locales. Aucun mécanisme administratif n’est parfait, et il se peut que celui-ci entraîne quelques abus. Il faut pourtant bien se dire que c’est la faute des électeurs, s’ils ne veillent point suffisamment à leurs intérêts, s’ils ne se servent point des armes que leur fournit le vote pour déjouer la brigue ou l’ambition personnelle. La liberté ne peut être s responsable envers ceux qui négligent de défendre et d’exercer leurs droits. En réduisant de beaucoup le nombre des emplois salariés, n’écarte-t-on point au contraire l’une des principales causes de corruption ? Tout le monde est libre de combattre les influences dont on se plaint et qui agissent en effet dans certains bourgs, car le gouvernement ne protège et ne recommande aucun candidat. Étranger aux intrigues comme aux nobles dévoûmens qui peuvent se disputer autour de lui l’administration des villes et des campagnes, il se contente d’appliquer la loi et d’entretenir ainsi dans le pays le lien de l’unité nationale.

Il serait très difficile de donner une idée des institutions municipales en Angleterre sans descendre sur le terrain des faits et de la pratique. Londres n’est point le théâtre qui convienne le mieux à cette étude. Divisé en plusieurs arrondissemens ou paroisses qui se régissent elles-mêmes, Londres vit en quelque sorte sur le provisoire, car il y a deux ans M. Stuart Mill proposait au parlement de modifier un système vieilli, et tout le monde s’attend un jour ou l’autre à de graves réformes dans le maniement des affaires de la métropole. Un concours particulier de circonstances m’ayant permis de visiter Liverpool au printemps de 1869 et d’y recueillir des renseignemens auprès des officiers de l’autorité locale, je voudrais dire comment s’administrent le port et la ville. Ce port est admiré de tous les marins, et la municipalité de Liverpool est une de celles qui ont le plus contribué à la grandeur commerciale de l’Angleterre.