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toujours fournir du travail au libéré dès sa sortie de prison, car c’est la, nous le répétons, le but unique de la société, qui n’a point à venir au secours du libéré par des aumônes, ce qui l’encouragerait dans une oisiveté funeste. Là gît la véritable difficulté des œuvres de patronage, tant est grande la répulsion inspirée par les malheureux qu’une condamnation première a flétris. Cependant le nombre des personnes charitables disposées à s’associer à cette œuvre de régénération est plus considérable qu’on ne le croirait. Plus les relations de la société sont étendues, et plus naturellement son œuvre devient facile. Aussi serait-il à désirer que toutes les sociétés de patronage existant en France fussent en correspondance les unes avec les autres, afin d’augmenter réciproquement le champ de leur action. Un comité central, dont le siège serait à Paris, simplifierait bien des choses ; mais la constitution de ce comité rencontrerait peut-être des difficultés légales. Cela est regrettable, car les efforts isolés, si louables qu’ils puissent être, arriveront difficilement à des résultats appréciables sur l’ensemble de la criminalité.

Telles seraient les principales conditions nécessaires pour qu’un patronage sérieux et efficace fût exercé sur les libérés adultes. Nous n’entrerons point dans le détail de l’organisation de ces sociétés, organisation pour laquelle d’utiles emprunts pourraient être faits à la Discharged prisoners aid Society, qui fonctionne avec succès à Londres depuis dix ans. La police anglaise a spontanément abdiqué au profit de cette société son droit de surveillance sur les libérés qu’elle patronne. Quand verrons-nous la police française aussi peu jalouse de ses prérogatives ? Les ombrageuses susceptibilités de l’administration, sa malveillance innée pour toute ingérence dans les matières qui sont de son ressort, comptent au nombre des difficultés les plus grandes qu’aient déjà rencontrées et que rencontreront encore les sociétés de patronage. L’œuvre à laquelle M. le pasteur Robin nous convie exige, outre un grand dévoûment de la part de ceux qui voudront y prendre part, l’obtention de certaines réformes dans les pratiques administratives, et peut-être dans la législation. Il n’y a qu’une seule puissance qui soit assez grande pour obtenir du jour au lendemain ces réformes, c’est l’opinion publique. Le jour où elle s’emparera de cette question avec la ferme volonté de la résoudre, toutes les difficultés tomberont comme par enchantement.


OTHENIN D’HAUSSONVILLE.


C. BULOZ.