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temps plus ou moins long, à la surveillance de la haute police. Les effets de cette surveillance sont de forcer les détenus libérés à vivre dans une petite ville, car c’est un des principes de la police de les écarter des grands centres ; ils y sont soumis à un contrôle incessant qui ne leur permet pas de tenir secret leur passé. Ils ne peuvent changer de résidence sans une autorisation parfois difficile à obtenir, toujours lente à recevoir ; s’ils se trouvent sans ouvrage, ils n’ont à choisir qu’entre la faim et la rupture de ban, qui les met de nouveau en guerre avec la société en les exposant à des peines sévères. Tels sont les effets de ces mesures de police, légitimes dans leur principe, funestes dans leur application, et qui occasionnent peut-être plus de crimes qu’elles n’en préviennent. Aussi cette peine accessoire est-elle plus redoutée des criminels que la peine principale. Il n’est pas rare que la première question adressée par un prévenu à son défenseur soit pour lui demander : Aurai-je de la surveillance ? Et ils n’ont pas tort, car le temps qu’ils passent en prison, où du moins leur subsistance demeure assurée, est souvent moins pénible que le temps postérieur à leur libération, durant lequel ils n’ont guère le choix qu’entre des industries pernicieuses, la misère ou le vagabondage. Aussi ne faut-il pas s’étonner que le chiffre des condamnations en récidive soit si considérable. Il est aujourd’hui de près de 42 pour 100, c’est-à-dire que près de la moitié des détenus actuellement sous les verrous y ont déjà passé une première fois. Voilà qui fait singulièrement douter de l’efficacité des peines au point de vue de l’intimidation.

C’est à ce triste état de choses que M. le pasteur Robin voudrait apporter remède. Le remède qu’il indique est celui d’une institution de patronage étendant sa surveillance et sa protection sur les prisonniers dès le lendemain de leur libération, leur procurant du travail, et continuant avec eux les relations morales nouées durant le temps de leur détention. Des institutions de cette nature existent dans presque tous les pays étrangers, en Angleterre, en Hollande, en Allemagne, en Suisse, et, partout où elles fonctionnent, elles ont produit les résultats les plus satisfaisans. C’est ainsi qu’à Düsseldorf une société très bien organisée qui étend son patronage dans les provinces du Rhin et de la Westphalie a réduit en quelques années à 27 pour 100 le nombre des récidivistes. Des résultats plus complets encore ont été obtenus par la société fondée à Paris pour le patronage des jeunes détenus du département de la Seine. Cette société se trouvait à la vérité dans des conditions particulièrement favorables, car il est plus facile de ramener au bien de jeunes natures encore flexibles que des hommes formés depuis longtemps au crime. Aussi est-elle parvenue à un résultat vraiment merveilleux. Le chiffre des récidivistes parmi les jeunes détenus, qui était de 75 pour 100 avant la fondation du patronage, est tombé dans ces dernières