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que soulève le régime des prisons. Ce n’était pas seulement le sort des condamnés pendant la durée de leur peine qui excitait la sollicitude. La philanthropie, d’accord avec la charité, s’inquiétait encore de leur destinée ultérieure, et la recherche des moyens les plus propres à les empêcher de retomber dans le vice était à l’ordre du jour. Ce grand mouvement, dont l’impulsion s’est continuée en Angleterre, en Belgique et ailleurs, est au contraire demeuré stationnaire en France depuis les premières années de l’empire. La question des prisons est un peu passée de mode. Il en résulte que les vieux erremens du passé continuent d’être religieusement observes sans que l’on s’inquiète de savoir si l’expérience des peuples voisins ne fournit pas de nouveaux élémens à la solution du problème. Nos prisons, extérieurement et matériellement bien tenues, sont gouvernées avec une certaine incurie morale. Nous n’en voulons citer qu’un seul exemple. A Mazas, les hommes détenus préventivement sont soumis au système de l’emprisonnement cellulaire et de la solitude la plus rigoureuse. A Saint-Lazare au contraire, les femmes détenues préventivement sont enfermées par chambrées, et ceux que leurs devoirs professionnels ont appelés dans l’intérieur de cette prison savent, par l’entretien des détenues, combien sont illusoires les précautions prises pour les empêcher de communiquer entre elles. Pourquoi cette différence ? Elle correspond tout simplement à une différence dans l’aménagement des deux bâtimens, et n’implique nullement de la part de l’administration des prisons un éclectisme raisonné, car il y a beaucoup plus d’inconvénient à mettre en commun des femmes que des hommes. A qui en revient la faute ? Est-ce à l’administration des prisons ? est-ce au gouvernement ? Non, c’est à l’opinion publique, qui, s’étant désintéressée de ces questions, abandonne sans contrôle l’administration à ses habitudes routinières et le gouvernement à son indifférence.

C’est à cette opinion publique que M. le pasteur Robin vient de s’adresser. Son ouvrage n’est inspiré ni par l’esprit de système, ni par l’esprit de critique. Il ne se plaint de rien ni de personne. Il se borne à constater un état de choses triste par lui-même, plus triste encore quand on songe qu’il suffirait d’efforts bien légers pour y porter remède. Toutefois M. Robin se préoccupe moins du régime intérieur des prisons et du sort des condamnés pendant la durée de leur peine que de l’existence qui les attend le jour où, la justice sociale étant satisfaite, les portes de leur cachot s’ouvrent devant eux. Ce qui l’émeut particulièrement, ce sont les souffrances et les difficultés qui attendent ceux d’entre ces malheureux dont le repentir, les bonnes intentions et les velléités de retour au bien vont se trouver aux prises avec toutes les rudesses de la vie, augmentées pour eux par le mépris public et par les particularités de leur situation administrative. On sait que tout homme condamné à une peine tant soit peu grave est du même coup soumis, pour un