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pensé qu’il y avait là un état de société à peindre ; puis voici ce qui lui sera arrivé. Comme dans ses romans M. Rivière s’est montré surtout un psychologue, comme il s’est toujours attaché à décrire des natures morales d’une trempe particulière, il se sera complu dans le développement du caractère, d’ailleurs fortement conçu, de Mme Calandel, et il se sera donné à ce développement avec tant de soin qu’il en aura peu à peu oublié son plan primitif, sauf à être troublé parfois par le souvenir de ce plan comme par un remords. Il en résulte que la comédie de M. Rivière se compose en quelque sorte de deux pièces juxtaposées, d’un drame qui se déroule pendant le second, le troisième et la moitié du quatrième acte, et d’une comédie de mœurs qui se joue pendant le premier acte et la seconde moitié du dernier, non toutefois sans quelques envahissemens d’une des deux pièces sur l’autre. Quand on arrive à cette scène vraiment saisissante où, M. Calandel étant ruiné, les défauts, les vices d’une parvenue reprennent le dessus chez sa femme, et où elle refuse de partager la pauvreté de son mari, on a un moment de surprise ; la femme passionnée a fait oublier en Mme Calandel la femme d’argent, et celle qui adressait tout à l’heure à M. de Léris des paroles brûlantes n’est pas la même qui, en partant, lui dit d’un ton railleur : « Au revoir ; je vais à Schœmberg. » L’effet de la scène, qui est assez grand, s’en trouve cependant un peu affaibli, et l’on ne peut s’empêcher de se dire : Il serait dans le caractère de cette femme, tel qu’on nous l’a montré, de préférer la pauvreté partagée avec M. de Léris à, la fortune partagée avec son mari. — Assurément ce ne serait pas là le fait d’une parvenue.

Que doit conclure M. Rivière de cette franche critique ? Rien autre chose, sinon qu’à mon sens il réussira mieux dans le drame, j’entends dans le drame discret et ménagé, tel qu’on le goûte au Théâtre-Français, que dans la comédie. Dans la comédie, la vivacité et le trait lui manqueront toujours un peu. Dans le drame au contraire, il pourra déployer des qualités de vigueur et de pathétique qui sont réelles chez lui.


G. DE SAFFRES.


ESSAIS ET NOTICES.
LE PATRONAGE DES LIBÉRÉS ADULTES.
Les Prisons de France et le Patronage des prisonniers libérés, par M. le pasteur Robin.


Il y a une trentaine d’années, on se préoccupait beaucoup en France du système pénitentiaire. Les hommes les plus haut placés, les Duchâtel, les Tocqueville, les Rémusat, ne dédaignaient pas de consacrer une partie de leur temps et de leur activité à la solution des questions importantes