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la Grégoire VII rencontreront des résistances, et qu’elles excitent déjà des ombrages parmi les catholiques mêmes de tous les pays. En Allemagne particulièrement, en Bavière, dans la vallée du Rhin, à Bade, à Manheim, on se prononce vivement ; il se forme des associations catholiques « contre les empiétemens de Rome. » L’épiscopat se tait encore, le bas clergé est très opposé aux doctrines ultramontaines. Les principaux théologiens de l’Allemagne, M. Dollinger, M. Michaelis, se sont nettement déclarés contre les nouveautés qui se préparent. Il ne serait point impossible qu’on ne vît reparaître au-delà du Rhin quelque chose de semblable à cette tentative de catholicisme national qui se produisit avant. 1848. En France, le mouvement est moins vif, il passe presque inaperçu. Le fait est que depuis quelque temps on a eu autre chose à faire qu’à s’occuper du concile. Une des plus curieuses manifestations cependant, c’est cette lettre que, d’une main défaillante ; mais d’un cœur toujours chaud, M. de Montalembert écrivait récemment pour témoigner ses sympathies libérales aux catholiques de Bonn et de Cologne. M. de Montalembert se plaignait justement de cette quiétude française. La question est de savoir si cette absence d’émotion ne signifie pas simplement qu’on tient le concile pour une grande assemblée religieuse, mais qu’on ne se préoccupe pas outre mesure de ce qu’il fera, parce que la société moderne en France se sent assez forte pour n’avoir rien à craindre, et nos évêques peuvent assurément servir l’église elle-même en rendant témoignage de la puissance de ce sentiment.

En attendant que le concile œcuménique se réunisse à Rome, nous avons un autre concile qui ne prétend pas moins à l’infaillibilité et à l’universalité et qui se lient en ce moment à Bâle, c’est le congrès de l’Association internationale des travailleurs, de cette association qui ne s’est malheureusement manifestée que par d’assez tristes influences. Vous croiriez peut-être qu’une association dite des travailleurs doit s’occuper avant tout de choses pratiques, de questions industrielles, qu’elle doit avoir le souci des intérêts des ouvriers. Ah ! sans doute elle s’est occupée du travail, en courant, du bout des lèvres, comme on disait au sénat, et pour stimuler l’organisation des sociétés de résistance, c’est-à-dire pour préparer la guerre dans l’industrie ; mais ce n’est là que le moindre de ses soucis. Sa grande affaire, c’est de provoquer la « liquidation sociale, » c’est de se poser des questions de ce genre : « la société nouvelle se fondera-t-elle dans la paix ?… combien de temps devons-nous attendre encore ? » Les réponses ne laissent pas d’être nuageuses. Quant à la liberté, on pense bien qu’elle joue un piètre rôle en tout ceci. La liberté, qu’est-ce que cela ? Affaire bourgeoise. Les réformes libérales qui s’accomplissent en France, affaire bourgeoise ! Tout est bourgeois, même la république suisse, qui a reçu des injures en échangé de l’hospitalité qu’elle donne. Ils ne doutent nullement d’eux-mêmes, ces régéné-