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verne. Lui, le magistrat du village, il n’est pas même toujours membre du conseil municipal, il ne dépend en rien des populations qu’il domine par ses agens subalternes, toujours prêts à marcher un procès-verbal à la main. — Rien n’est plus facile que de résister et d’opposer la légalité au despotisme d’un maire, dira-t-on. Ce n’est pas aussi aisé qu’on le croit : il faut recourir au sous-préfet, qui donne raison au maire de son choix ; il faut en appeler au chef de l’administration départementale, qui donne raison au sous-préfet ; il faut aller jusqu’au ministre de l’intérieur, qui ne peut désavouer son préfet ; il faut enfin dépenser son temps et son argent sans même être assuré de l’appui de ceux dont on défend les intérêts et qui craignent de se compromettre parce qu’ils sentent toujours le poids d’une immense administration derrière un simple magistrat communal. Le prince Napoléon prétendait l’autre jour avoir entendu dire par un paysan qu’à la responsabilité des ministres il préférerait la responsabilité de son maire et de son garde champêtre. C’est bien possible, c’est un sentiment fort répandu en province aujourd’hui ; M. Forcade de La Roquette se fait une singulière illusion, s’il croit que les conseils-généraux livrés à eux-mêmes se prononceraient dans un autre sens. Et s’est-on demandé ce qui arrive ? On ne peut rien contre le maire, qui n’est élu ni par les populations ni par le conseil municipal ; mais au jour des élections générales on vote contre le gouvernement, de sorte que tous ces froissemens locaux ont leur contre-coup dans la politique. Cela veut dire que cette affaire de l’organisation municipale est une des premières dont un gouvernement sérieux ait à s’occuper, et ce n’est même qu’à cette condition qu’un cabinet reprendra une action réelle sur le pays, qu’il s’identifiera fortement avec la pensée publique. En un mot, sur ce point comme sur tant d’autres, tout ministère est tenu de faire la part des idées et des instincts d’où est né le mouvement d’aujourd’hui. Il ne peut pas se montrer libéral dans les questions de prérogatives parlementaires pour cesser de l’être dans la question des maires, ou dans le règlement de nos relations commerciales, ou dans les affaires religieuses, ou même dans la politique extérieure.

Le gouvernement du reste, il faut le reconnaître, vient de prendre une sage et libérale résolution sur un point semi-religieux, semi-politique, qui était resté douteux jusqu’ici. Nous ne serons point décidément représentés au concile, du moins par un envoyé de la société civile. M. Baroche, à qui ce rôle semblait réservé, n’aura point le souci de se transformer en théologien pour aller à Rome. On a fini par reconnaître que la France du XIXe siècle trouverait plus d’embarras que d’avantages dans une assemblée de cardinaux et d’évêques, et nous sommes bien de cet avis. Ce n’est pas que le concile n’ait de l’importance et ne soit destiné à laisser des traces de son passage ; il marquera