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image de l’opinion, dépendant du parlement et suppléant à la royauté sans l’éclipser. Il en sera ainsi partout où le régime libre sera une vérité. Il faut donc un gouvernement rajeuni, et, sans manquer à aucune convenance, on peut dire que la maladie récente de l’empereur a rendu cette nécessité plus saisissante encore, ne fût-ce que pour prémunir les esprits contre ces oscillations qui se propagent d’un bout à l’autre de l’Europe. Le cabinet actuel a pu suffire à une période de transition, ce n’est point évidemment un ministère dans le vrai sens du mot, et le problème au surplus ne peut être résolu désormais qu’avec le concours du corps législatif. Ce qui est certain, c’est que le moment est venu, et qu’un ministère sérieusement uni au parlement est dès aujourd’hui une de ces conséquences de la réforme constitutionnelle qu’on ne peut éviter.

Ce n’est point une chose facile aujourd’hui, nous en convenons, de rassembler presque à l’improviste et dans l’incertitude d’une transition les élémens d’un ministère vraiment constitutionnel. On ne refait pas en un jour des hommes, des partis, des mœurs publiques, après une longue désuétude de la liberté. C’est pourtant une condition première d’avoir ce gouvernement d’une situation nouvelle, et il ne suffit pas qu’il existe de nom ou d’apparence, il faut qu’il ait son programme, qu’il se soit fait des idées nettes et pratiques sur l’ensemble des questions qui préoccupent le pays. Ce serait en effet une étrange illusion de se figurer que tout se réduit à rétablir certaines prérogatives parlementaires, à replacer dans le corps législatif un des leviers de l’action politique. C’est beaucoup, c’est un point de départ ; mais ce n’est pas tout. En réalité, sait-on une des causes de cette singulière froideur avec laquelle a été accueilli ce sénatus-consulte, qui est cependant un progrès si manifeste ? C’est précisément parce qu’il semble resserrer la réforme dans une sphère supérieure et un peu abstraite, parce qu’il ne s’occupe que du corps législatif, du mécanisme des pouvoirs. La masse nationale qui vit en province, qui s’est ébranlée dans les élections, cette masse n’est point sans doute insensible absolument à ce genre de progrès constitutionnel ; elle serait bien plus sensible encore à ce qui la toucherait dans ses intérêts les plus immédiats, à ce qui lui donnerait de l’air et de l’espace dans sa vie locale. C’est ce qui fait que toutes ces affaires de municipalités, de choix des maires, deviennent une question politique de premier ordre, un des élémens les plus sérieux du problème actuel. On ne se rend pas toujours compte de ce que c’est que cette contagion d’arbitraire qui en certains momens va du sommet de la hiérarchie au dernier degré, et qui s’aggrave à mesure qu’elle descend. Le maire, tel qu’on l’a vu depuis dix-huit ans, mais c’est une façon de petit potentat, ayant son petit corps législatif dans son conseil municipal, composé, lui aussi, d’élus officiels. Il garantit à l’administration la docilité de sa commune, et en revanche il peut faire ce qu’il veut, il règne et gou-