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sonnances et de contre-temps. Elle reste flegmatique et expectante lorsqu’il faudrait agir ; elle se réveille et se met en marche lorsque tout le monde est en vacances, au moment où la saison donne le signal de la dispersion universelle. Elle subit la loi commune, elle est malade quand il faudrait se bien porter. Mille bruits courent aussitôt dans l’air. Le sénatus-consulte et les débats du Luxembourg, a-t-on répété pendant toute une semaine, c’est fort bien ; mais l’empereur, comment va l’empereur ? L’a-t-on aperçu à Saint-Cloud, doit-il se montrer à Paris ? Qu’en pense M. le docteur Nélaton, devenu tout d’un coup, par la vertu de son art et de ses instrumens, un arbitre politique ? Voilà qui est fait pour déranger un peu tous les calculs, pour mettre les imaginations en campagne. Et puis, pour tout dire, cela ne serait rien, cela ne suffirait pas encore à expliquer cette distraction un peu sceptique de l’esprit public en présence d’une délibération ouverte sur les conditions les plus essentielles de la politique intérieure de la France. Si malgré tout la transformation constitutionnelle qui vient d’être votée et sanctionnée n’a pas saisi plus vivement l’opinion, c’est que le sénat, qui a été seul en scène pendant quelques jours, n’a vraiment rien fait pour se placer à la hauteur du rôle qu’une fortune indulgente lui ménageait, pour captiver le pays, pour l’intéresser à cette œuvre qui n’est rien, si elle n’est point la consécration victorieuse d’une politique nouvelle, l’inauguration d’un règne nouveau. Quelques voix libérales se sont fait entendre. Le prince Napoléon a parlé et a remué ou scandalisé le sénat par la hardiesse de son discours. M. Bonjean a soutenu ses amendemens par lesquels il proposait de revenir tout simplement au vrai régime constitutionnel par le partage égal de toutes les attributions entre le sénat et le corps législatif. M. Michel Chevalier s’est exprimé en homme pénétré de ce qu’il y a d’irrésistible dans le mouvement actuel de la France, acceptant la réforme constitutionnelle pour ce qu’elle donne, et appelant de ses vœux ce qu’elle laisse à désirer. Le reste n’a été qu’une sorte de piétinement oratoire sur un terrain qu’on ne pouvait plus guère défendre, puisque le gouvernement lui-même l’abandonnait, mais qu’on voudrait bien tout au moins garantir contre des invasions nouvelles de libéralisme.

Le malheur du sénatus-consulte en effet a été d’apparaître à travers cette discussion qui vient d’avoir lieu au Luxembourg, et qui s’est terminée par un vote si parfaitement prévu, quoique si peu significatif. Pour émouvoir l’opinion, il aurait fallu que le sénat commençât par se passionner lui-même pour son œuvre, et, à dire vrai, on n’a pas vu souvent une assemblée moins enthousiaste d’une besogne libérale, témoignant d’une façon plus sensible, plus involontaire, qu’elle n’accepte une réforme que du bout des lèvres, selon la parole familière du prince Napoléon. Ce mot a fait scandale dans le sénat. Quoi ! a semblé s’écrier M. le président Devienne, nous n’accepterions le sénatus-consulte que