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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 septembre 1869.

Enfin la chose est faite. Avant que les feuilles d’automne soient tombées, le sénatus-consulte est arrivé laborieusement à maturité. Qu’il n’ait pas tout l’éclat de ces fruits puissans épanouis sous une chaleur féconde, qu’il lui ait manqué quelques rayons de ce soleil qui donne la couleur et la sève aux œuvres des hommes comme aux œuvres de la nature, c’est possible, c’est même assez clair. Il a traîné trop longtemps, il a été conçu dans l’incertitude, il a été mis au monde sans passion, et il est reçu avec froideur, de sorte qu’une réforme qui semblait tenir tous les esprits en éveil a presque l’air de passer à travers l’indifférence universelle. Ce qui est certain, c’est que le sénatus-consulte a fait plus de bruit avant de naître qu’après sa naissance. Il a été voté au milieu de l’inattention, il a été enregistré au Journal officiel sans fanfares et sans illuminations, furtivement, à peu près en vérité comme ces enfans qu’on se hâte de faire inscrire à l’état civil et dont on parle ensuite le moins possible. L’heure viendra sans aucun doute, et elle est même peut-être assez prochaine, où cet acte qui s’accomplit aujourd’hui sans bruit reprendra son importance, où se dégageront une à une toutes les conséquences de vitalité nouvelle dont il contient le germe. Pour le moment, c’est comme si la loi la plus simple venait d’être votée, tant on laisse passer d’un air distrait cette révolution pacifique, cette métamorphose « de l’empire autoritaire en empire libéral. »

Après cela, il y a peut-être plus d’une cause de cette indifférence momentanée et à coup sûr plus apparente que réelle. Ce n’est point cette révolution même qui laisse l’opinion apathique, c’est la manière dont elle s’accomplit, ce sont les circonstances dans lesquelles elle se réalise qui mettent du froid dans nos affaires. Plus que jamais, depuis quelques mois, notre politique n’a pas de chance, elle est toute pleine de dis-