Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 83.djvu/478

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

malheu reux dont on voulait faire des hommes et des citoyens réclamaient des secours de tout-genre. Il fallait établir pour eux autant d’hôpitaux que d’écoles : de 1861 à 1866, près de 400,000 affranchis avaient rempli les 48 hospices créés pour eux, et dans lesquels 20,000 succombèrent à la misère, aux fatigues et aux blessures reçues en combattant pour la cause qui leur assurait la liberté. A la fin de la guerre, 40,000 affranchis avaient suivi les écoles régimentaires, et savaient lire et écrire.

Quel que fût le dévoûment des hommes et des femmes occupés de l’éducation des affranchis, le nombre des écoles, qui allait toujours croissant, — on en comptait 4,000 au commencement de 1868, — requérait plus de maîtres que le nord et l’ouest ne pouvaient en fournir. Les généraux et les surintendans y pourvurent en créant des écoles normales pour les noirs et en confiant à ceux-ci, aussitôt qu’ils avaient reçu les premières notions d’écriture, de lecture et de calcul, le soin de communiquer aux autres ce qu’ils avaient appris. Les noirs alors devinrent professeurs. En 1868, ils entretenaient 1,200 écoles. Un seul fait suffit à démontrer l’importance attachée par eux à l’éducation : en 1863, la Louisiane, grâce aux taxes fournies par les habitans, avait déjà un assez grand nombre d’écoles pour y donner l’instruction à 50,000 affranchis. De pressantes nécessités ayant fait supprimer la taxe, les noirs ne perdirent pas courage. Déjà ils payaient, comme tous les autres habitans, une part de la taxe levée pour l’instruction publique et employée tout entière Il soutenir des écoles destinées aux blancs et d’où les nègres étaient exclus. Ils offrirent de fournir une contribution spéciale pour l’éducation de leurs enfans sans être déchargés néanmoins de l’impôt commun. — En quelques années, la race émancipée s’éleva presque au niveau de la race civilisatrice. Écoles pour les enfans, écoles d’adultes, écoles normales, industrielles, écoles professionnelles pour les filles, caisses d’épargne, sociétés de tempérance, avaient surgi comme par enchantement ; 300,000 noirs, hommes, femmes et enfans, participaient aux bienfaits de l’éducation. Enfin un journal hebdomadaire, le Républicain, entièrement rédigé par des hommes de couleur, était en 1867-fondé à Raleigh, capitale de la Caroline du nord. Certes il mérite la reconnaissance et l’admiration, ce peuple américain, qui dans son ardeur généreuse, après avoir affranchi 4 millions d’esclaves, a prodigué son or pour faire jouir ces nouveaux frères de tous les avantages que procure l’instruction ; mais il n’est que juste aussi de constater l’intelligence qui a fait comprendre à tout un peuple d’esclaves qu’il ne pourrait prétendre à marcher de pair avec ses anciens maîtres qu’en s’instruisant comme eux, c’est-à-dire en faisant disparaître le signe le plus caractéristique de l’inégalité qui les