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réunissent le soir à la brasserie, échangent entre eux les nouvelles scientifiques : on discute, les doctrines s’affirment, et de ce contact naît une ardeur plus grande pour la recherche du lendemain.

De là cette prodigieuse quantité de livres, de mémoires, de travaux originaux éclos chaque jour sur tous les points du territoire germanique. Parmi les nations de l’Europe, l’Allemagne est de beaucoup celle qui donne le plus grand effort à la poursuite de la vérité. Nous n’entendons nullement faire ici le procès à la science française. Les deux pays ne marchent pas dans les mêmes voies, ses travaux allemands sont tout de détail, d’érudition, d’investigation ; ce sont des œuvres de patience et de savoir solide, mais où manque souvent l’étincelle qui d’un livre fait jaillir une science. On ne trouve pas au-delà du Rhin de traités comme la Mécanique céleste de Laplace, les Recherches sur les ossemens fossiles de Cuvier ou l’Anatomie générale de Bichat. L’Allemagne enregistre journellement un nombre prodigieux de faits observés et de connaissances acquises, elle n’a peut-être pas aussi bien l’art de les interpréter, de les relier ou de les isoler par les procédés d’une méthode rigoureuse. Encore aujourd’hui les systèmes abondent chez nos voisins comme aux plus beaux temps de la métaphysique. Le cycle philosophique n’est pas encore fermé, l’ère purement scientifique n’est pas encore ouverte. L’Allemagne en un mot est moins affranchie du passé que la France ; le moyen âge subsiste en elle sous mille formes, même à l’université. Poussons la porte : nous sommes dans la salle d’honneur, l’aula. La faculté assemblée préside à la réception d’un docteur en médecine. Les examens sont terminés. Avant de remettre au candidat le diplôme, scellé du grand sceau de la faculté et signé de la main du doyen, le récipiendaire doit prêter le serment d’usage. C’est le juge de l’université qui en lit la formule, le candidat la répète, la main dans la main du juge. Or ce serment commence ainsi : « Je jure de pratiquer la médecine non pour moi, mais pour la plus grande gloire de Dieu… » Il se termine comme il commence : «…. Je jure enfin de donner toute mon attention à sanctifier la religion par l’art que je pratiquerai. Que Dieu donc et son saint Évangile me viennent en aide ! » Quand le candidat est Israélite, on modifie quelque peu cette dernière invocation. Voilà comme on reçoit les docteurs dans la patrie de Fichte, de Schelling, de Hegel. Le serment, qui peut devenir une violence faite aux idées philosophiques du candidat, est prononcé en latin, et nous touchons ici à un autre côté gothique de l’enseignement allemand. Le latin y joue un rôle pédant qui n’a laissé chez nous, grâce à la révolution, que des traces à peine sensibles. Les discours académiques sont en latin, ainsi que la plupart des thèses ; on trouve toujours en latin dans ces dernières le récit abrégé de la vie du jeune docteur. La