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pas de chaires proprement dites, il n’y a que des professeurs. La faculté n’est pas constituée par la réunion d’un certain nombre de cours, c’est un collège de professeurs qui enseignent à leur guise. A mesure que se manifeste une évolution des sciences, non-seulement le personnel de la faculté se modifie par l’adjonction d’hommes nouveaux ; mais chaque professeur varie lui-même ses leçons selon le courante de l’époque, au lieu d’avoir à se conformer, ne fût-ce qu’en apparence, à l’étiquette d’un programme contre-signé par un ministre il y a quelque vingt ans. S’il se trompe, si la direction qu’il suit, est mauvaise, les privat-docenten sont là : ils ne manqueront pas, — c’est leur intérêt, — de combler toute lacune laissée dans l’enseignement par les professeurs ordinaires ou extraordinaires. Un professeur vient-il à mourir, on ne se croit point obligé de nommer à sa place quelque honnête médiocrité dont le mérite est d’avoir soigneusement suivi les chemins battus. La faculté ne s’astreint jamais à perpétuer un cours. Depuis six ans, la faculté de philosophie de Berlin a eu à remplacer trois professeurs ordinaires, deux, de chimie et un d’astronomie ; elle a appelé à elle un physicien, un mathématicien et un paléontologiste.

L’enseignement allemand, grâce à cette liberté du professeur qui est le fondement même de son organisation, a pris un caractère de multiplicité, de variété et d’opportunité que ne pourra jamais réaliser l’administration, centrale la plus éclairée et la plus prévoyante. Chaque branche des sciences, aussi spéciale qu’on la puisse imaginer, même née d’hier, a droit de cité dans l’université, appelle à elle les étudians. Nous voudrions donner ici la liste entière des cours professés pendant le dernier semestre dans quelque grande faculté de philosophie. On y verrait toutes les sciences naturelles, historiques sociales, plus ou moins représentées selon la place qu’elles tiennent dans les préoccupations de l’époque : la théorie des observations micrométriques à côté du droit postal, les comédies de Molière à côté des monumens du cycle troyen. Le droit civil français est professé à Munich, Würzbourg, Fribourg en Brisgau, Berne et Heidelberg, L’instruction, revêt toutes les formes. Tel professeur commente un ouvrage qu’il va publier, tel autre raconte simplement un voyage qu’il a fait. Il n’est pas rare que les cours sur une littérature étrangère soient faits dans la langue même, en français, en italien, en anglais. Quelques vieux universitaires professent en latin. A Prague, il y a de jeunes privat-docenten qui enseignent dans l’idiome tchèque.

Chaque professeur fait ordinairement deux cours en même temps, même trois, dans des conditions pécuniaires différentes. Sur les programmes, ces cours postent, les mentions publicen privatim, privatissime. Les cours publice sont ceux pour lesquels l’étudiant n’a à