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parfois fait entendre aux souverains de nobles paroles de liberté, qui eurent d’autant plus de retentissement que dans la plupart des états certains professeurs sont en même temps conseillers du gouvernement. Il ressort de là pour tout le personnel enseignant un haut titre à l’estime publique. En 1862, la chambre des députés de Berlin avait été dissoute par le roi. Le ministère Von der Heydt fut appelé à préparer les élections et la défaite du parti libéral. Le chef du cabinet prit son rôle au sérieux. Des circulaires furent adressées à tous les corps de l’état pour les inviter à participer, autant qu’il était en leur pouvoir, au triomphe de la politique royale dans les élections qui allaient se faire. L’université de Berlin reçut une circulaire dans ce sens, le 22 mars, par l’intermédiaire du ministre des cultes, dont elle dépend- Nous nous rappelons encore l’émotion causée dans l’université et dans le public à cette occasion. Malgré la modération extrême de la lettre ministérielle, le recteur et le sénat répondirent le 7 avril suivant en des termes qu’il peut être bon de faire connaître en France. « Il n’entre pas dans nos attributions, disait le sénat, d’examiner la circulaire du ministre de l’intérieur en tant que s’adressant aux fonctionnaires de son ressort ; il nous appartient encore moins de soulever la question de savoir jusqu’à quel point les employés d’une administration peuvent être liés par un ordre de leur chef dans l’exercice d’un droit politique commun, et jusqu’à quel point une telle pression doit être regardée comme opportune dans les élections qui se préparent. Nous voulons nous en tenir simplement au maintien des droits constitutifs de la corporation universitaire dont la défense nous est confiée, et à l’indépendance personnelle de chacun de ses membres. Aussi notre droit et notre devoir sont-ils de déclarer ici que nous ne pouvons tenir son excellence le ministre des cultes pour fondé à gêner en aucune façon les membres du corps académique dans l’exercice d’un vote politique, comme son excellence le ministre de l’intérieur l’a fait relativement aux employés de son ressort. » Les universités de Bonn et de Breslau répondirent à peu près dans les mêmes termes à la malencontreuse circulaire.

Ce n’est pas sans raison que l’on a comparé les universités allemandes à de petites républiques. En réalité, elles sont organisées à l’intérieur aussi démocratiquement que possible. Les fonctions de doyen et de recteur ne peuvent s’éterniser dans les mains d’un seul. Elles ne doivent jamais être conférées deux années de suite au même professeur. Il y a des universités où chacun est doyen à son tour et participe à tour de rôle au gouvernement de la chose académique. S’il présente une excuse, elle est appréciée, elle peut être rejetée. C’est grâce à cette organisation élective, susceptible par cela même de se modifier au fur et à mesure des besoins et du progrès, que les universités allemandes ont dû de prospérer par les causes contraires