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aux autres aucun lien politique, ont chacune leur histoire ; elles ont eu leurs crises, leurs périodes d’éclat, leurs temps d’effacement. L’université de Vienne, en Autriche, après la réforme, devient presque protestante. Un détail marque bien l’esprit du temps : de 1576 à 1589, aucune promotion de docteur en théologie n’a lieu, et en 1626 on n’y compte pas moins de vingt-huit professeurs non catholiques. L’université passe alors pour un siècle aux jésuites, et quand elle leur est reprise en 1735, c’est pour devenir entre les mains de Charles VI et de ses successeurs une machine de gouvernement. Elle exerce la censure, et les Juifs ne peuvent y être admis. Cet état de choses dure jusqu’en 1848, et c’est alors seulement que l’université de Vienne commence de reprendre en Allemagne une place et un rôle dignes d’elle : elle a aujourd’hui une petite faculté de théologie évangélique avec six professeurs. Il n’est pas rare non plus que des universités aient été déplacées ou absorbées. L’antique université d’Ingolstadt (1472), transportée plus tard à Landshuh, est devenue en 1826 la brillante université de Munich. Celle de Fribourg en Brisgau (1457) a émigré à Constance pendant l’occupation française, de 1679 à 1697. A la même époque, l’université de Strasbourg, en raison de l’article 4 de la convention du 3 octobre 1681, passait avec la ville sous le protectorat de la couronne de France[1]. Strasbourg, en possession très réelle de toutes ses franchises, continua, pendant le XVIIIe siècle, d’être une ville allemande. Son université, plus prospère que jamais, attirait la jeunesse d’outre-Rhin. Goethe, le prince de Metternich, avaient étudié à Strasbourg. L’université fut supprimée en 1793. Ce fut sans doute une mesure regrettable ; mais la république a tant fait pour l’enseignement en France qu’on ne peut lui reprocher bien durement cette faute. L’élan qu’elle avait donné aux études de ce côté-ci du Rhin aurait produit des résultats merveilleux, si Napoléon ne s’était imaginé un jour d’organiser l’enseignement supérieur par les facultés.

Chaque université, désignée d’habitude par le nom de la ville où elle a son siège, se donne elle-même une dénomination rappelant le prince qui l’a fondée ou restaurée. C’est ainsi que Berlin a l’université Frédéric-Guillaume, et Fribourg l’Albertine. L’université de Tubingue s’appela longtemps la Douce Eberhardine (Alma Eberhardina), du comte Eberhard le Barbu, qui la fonda en 1477. Restaurée en 1770 par le duc Charles, elle s’appelle aujourd’hui

  1. « Article 4. Sa majesté veut laisser le magistrat dans le présent estat avec tous ses droits et libre élection de leur collège, nommément celui des treize, quinze, vingt et un, grand et petit sénat, des eschevins, des officiers de la ville et chancellerie, des couvens ecclésiastiques, l’université avec tous leurs docteurs, professeurs et estudians, en quelque qualité qu’ils soient, le collège, les tribus et maistrises, tous comme avec la juridiction civile et criminelle. »