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cette prodigieuse activité, dont rien n’avait pu, même à Paris, nous donner une idée, nous faisions un retour vers la France, qui au siècle dernier imposait sa loi à toute l’Europe savante, nous songions à Goethe, plus attentif sur son lit de mort aux grandes luttes de l’Institut et du Muséum qu’aux révolutions de la politique européenne. À l’époque où nous assistions ainsi au réveil éclatant des études et de la science allemandes, peu de personnes avaient en France le sentiment d’une supériorité qui allait être quelques années plus tard reconnue par tout le monde, même par le gouvernement. L’Allemagne depuis ce temps a fait encore de nouveaux progrès. Qui sait si nous pourrons regagner tant de terrain perdu sans un de ces prodigieux élans, comme celui qui donna d’un seul coup à la France l’École normale, l’École polytechnique, le Conservatoire des arts et métiers, le Bureau des longitudes, le Muséum ? Du moins est-il nécessaire de nous bien pénétrer de l’organisation de l’enseignement en Allemagne, afin d’en comprendre l’esprit et de nous l’approprier, si cela est possible. Il est beau pour une nation de voir ses institutions enviées par une autre ; mais il est louable aussi d’envier pour soi-même les progrès réalisés ailleurs : c’est le premier effort pour les introduire chez soi.


I

En Allemagne comme en France, ce sont les facultés qui répandent l’enseignement supérieur et qui confèrent les grades académiques. L’analogie entre les institutions des deux pays s’arrête là. Le fait de la réunion des quatre facultés fondamentales de théologie, de droit, de médecine et de philosophie dans une seule ville constitue une université. On en compte vingt-six dans tout le pays germanique, y compris les cantons suisses allemands et les états slaves qui dépendent de la couronne d’Autriche. Plusieurs des villes d’université sont de simples bourgades qui ont su se faire un nom dans l’histoire de l’esprit humain. Halle, Gœttingue, Tubingue, ont été le centre d’un mouvement scientifique considérable. Beaucoup de ces universités sont très vieilles, et ce n’est pas un des moindres sujets d’étonnement, quand on les étudie, que de voir des institutions sorties du moyen âge jouer encore à notre époque un si grand rôle. Le XIVe siècle a vu fonder les deux universités toujours fréquentées de Heidelberg (1346) et de Prague (1347). Celle de Leipzig date des premières années du XVe siècle (1409). L’organisation, copiée alors sur celle de la Sorbonne, n’a pas beaucoup changé depuis cinq siècles, et c’est encore le même plan qui a servi pour les universités toutes récentes de Berlin (1809) et de Bonn (1818). On le trouve excellent, et ajuste raison. Ces universités, que ne rattache les unes